Après près d'un an et demi d'attente, le remake du mod de Half-Life², Dear Esther, repris en main par Robert Briscoe (responsable du design de Mirror's Edge), sort en tant que jeu à part entière.
Quel est l'objectif à accomplir ? Rien n'est indiqué sur ce point.
Vous incarnez un homme, débarqué sur une île britannique. Son but paraît vain, mais au fil de la promenade, en observant les paysages, les origines de cette île se révèlent, tout comme celles d'Esther, et du protagoniste même. Peu à peu, les collines, autrefois occupées par les bergers et leurs chèvres, vont laisser place à de mystérieuses inscriptions à la peinture fluorescente...
Et si tout cela était irréel ?
Dear Esther ne propose pas un gameplay ahurissant, ni même d'énigmes à résoudre. Impossible de sauter, de courir, d'ouvrir ou fermer une porte. Le héros est incapable d'escalader une falaise, ou bien de tirer au lance-roquettes. Aucun ennemi, aucun personnage pour entretenir une conversation à des kilomètres à la ronde. Que peut bien réserver le jeu si les éléments les plus basiques n'existent pas dans cet univers ?
Une expérience unique.
Dan Pinchbeck, auteur du mod original et donc du script, pousse le joueur dans une autre approche du jeu vidéo. Éliminant toute source de plate-forme et d'action, il met en valeur l'histoire, avec un soutien graphique considérable. Alors que le jeu tourne sur le moteur Source (Portal 2, Left 4 Dead 2), les effets graphiques provoquent une belle surprise. La végétation caressée par le vent, le cours d'eau au milieu d'une grotte illuminée par la lune, le ciel étoilé, de tels résultats dépassent ce qui a pu être observé sur les derniers titres sur Source. Si certains détails témoignent d'un moteur physique légèrement daté, l'ensemble, marié avec une lumière époustouflante, reste crédible.
Le scénario, à la fois captivant et brillant, distille les pensées du héros sous forme de lecture épistolaire, narrant son voyage à travers cette île inconnue. Cette balade avec notre conscience n'est pas totalement étrangère à nos propres marches errantes, lorsque les pensées inondent l'attention au monde extérieur. La musique, également remastérisée, apporte son lot d'émotions en figurant comme le seul interlocuteur du héros.
Malheureusement, le principe de Dear Esther peut être décourageant : la démarche du personnage témoigne d'une lenteur atroce au bout de quelques temps. Bien que la progression reste linéaire, quelques détours sont possibles, cependant il faut retourner au chemin principal pour procéder au niveau suivant, ce qui amène à moins apprécier la durée de la promenade. Autre difficulté : la narration, parfois superflue, demande un niveau d'anglais relativement élevé (des sous-titres multilingues sont prévus prochainement). Toutefois, le script est disponible sur le site officiel, pour une lecture plus approfondie et plus adaptée au rythme de chacun.
Mêlant une histoire fantastique à la Edgar Allan Poe et un rendu graphique sidérant, Dear Esther remplit sa part en délivrant une incroyable aventure, inclassable dans le monde vidéoludique. Avec de la persévérance et un goût pour l'originalité, ce titre peut figurer dans la liste des jeux à tester impérativement.