Nuit alcoolisée et regrets
J'ai rencontré Dear Esther après une soirée quelque peu arrosée. L'ennui me titillant et la fatigue ne voulant pas venir, j'ai cherché quelque chose à faire en continuant de siroter le reste de ma vodka. Et c'est parmi ma liste de jeux Steam que j'ai aperçu ce jeu que j'avais acheté sur un coup de tête durant les soldes (comme beaucoup d'autres par ailleurs). J'en avais quelque peu entendu parler, mais certainement pas assez pour me faire un premier avis. Tout ce que je savais de lui était qu'il avait une bonne direction artistique. Quelques minutes plus tard, les lumières étaient éteintes, mon verre rempli et l'écran titre s'affichait.
Je débarque alors un peu au hasard sur un quai, faisant face à une île qui semble être britannique. Je fais quelques pas en avant et une musique au piano retentit Je reste quelque peu sonné, ou plutôt subjugué par cette musique, douce attrayante, mélancolique, belle et inquiétante. L'ambiance sonore dévaste tout sur son passage. Le bruit de vagues qui s'écrase mollement sur la plage m'hypnotise, les mouettes criant au loin m'enchantent et le vent qui passe à travers la végétation de l'île me fait frissonner.
Bien vite je me retrouve avec un narrateur qui commence à me raconter une histoire énigmatique. Merde c'est en anglais. Pas grave, au final ça a rajouté un peu plus au caractère mystérieux de l'histoire, que j'ai de toute façon compris au fur et à mesure du jeu. Débarquant à l'improviste en fonction des actions que l'on fait dans le jeu ou des endroits où l'on va, elle a un petit ton de douce folie et de peur.
Très vite je me rends compte que j'ai bien fait de mettre mes chaussures de randonnée, parce que oui on va marcher. C'est même la seule chose qu'on va faire de ce jeu. Pour la première fois de ma vie je découvre le jeu contemplatif et alors que je suis complètement ivre, l'atmosphère particulière de Dear Esther m'apaise. J'ai rarement fait face à une immersion aussi tangible. Mon état aidant (ou pas), j'avançais à tâtons, je passais de longues minutes à regarder l'horizon avec les vagues qui se déchaînaient, la végétation folle qui semblait avoir repris ses droits sur de nombreuses ruines de construction humaine. Je gravissais des collines et redécouvrais une autre partie de l'île. Je chutais dans des fosses et me retrouvais dans des grottes d'une beauté incroyable et effrayantes, renforcés une fois de plus par des musiques schizophréniques au piano et des courants d'air qui prennent des airs de cris d'homme en souffrance.
J'ai peur, j'ai littéralement peur. Pas comme quand l'on joue à un survival-horror. C'est une peur qui caresse mon cœur et me tétanise. Je suis scotché à ma chaise et je ne peux m'arrêter de progresser. Parfois j'aperçois ce qui semble être des ombres. La Lune, maintenant haute dans le ciel ne me réconforte plus et le ton faussement chaleureux de la voix du narrateur est devenu glacial et empreinte d'une terrible tristesse.
Puis je meurs.
Dear Esther est court mais ce n'est franchement pas un problème. Fini en une traite, le jeu a déjà laissé une trace indélébile et inexpugnable en moi. J'ai été touché par Dear Esther, par son ambiance, par ses graphismes, sa musique et sa douce folie. Ça fait déjà près de trois mois et je n'y ai plus touché depuis. Je n'ose plus, comme si une page s'était refermé. Peut-être me trouverez-vous prétentieux mais j'ai la sincère impression d'avoir touché à quelque chose un poil au-dessus du jeu vidéo. Et pourtant Dear Esther n'en est pas un. C'est un grand non-jeu.