Quand l'Art et la réalité ne font qu'un : concomitance au propos fusionnel

Première fois que j'octroie 9 à un album qui est de loin mon préféré.
À cela 4 raisons.
4 raisons qui rentrent en symbiose pour offrir un résultat aussi doux que profondément fataliste.


D'abord toute personne me connaissant un tant soit peu sait que je suis particulièrement touché par certains genres musicaux notamment l'ambient qui est certainement numéro 1.
Ensuite, il faut prendre en compte la démarche artistique (seconde raison) dont sa fulgurance latente finira par se dévoiler, cette démarche est régie par le temps (troisième raison).
En effet, en 1982 Basinski enregistre plusieurs "boucles musicales" de quelques secondes qu'il étire sur une heure et ce dans des bandes magnétiques qui ont l'air purement divines et majestueuse. Il décide néanmoins de les abandonner pour une durée de quasi deux décennies. Presque deux décennies durant lesquelles plusieurs cassettes seront empêtrées de poussière et usées par l'impétuosité du temps.
Mais de manière impromptue alors qu'il a été "expulsé" de son appartement new-yorkais, il tombe soudainement sur ses cassettes.
Il les exploite pour un potentiel projet ultérieur, mais il se rend compte que c'est impossible, elles sont trop endommagées. Toutefois il parvient à enregistrer le dernier audio qui émane des dites cassettes. Au fur et à mesure que l'audio défile, un son parasite souille l'harmonie sonore à tel point qu'il n'en reste plus grand chose. Son objectif est alors de capturer le dernier souffle d'un objet qui a parcouru de nombreuses années et ce sans ajouter de gros artifices. Il sauvegarde numériquement la détérioration unique et progressive de sa création.
Le rendu est d'une profonde mélancolie, très éthéré mais avec la sensation d'une inéluctabilité crépusculaire. Comme si la fin s'approchait, en l'occurrence ici la mort d'une cassette. Toutefois il s'agit d'une mort douce, lente qui finit par nous lénifier, un épuisement nécessaire et procuré par notre capacité à s'identifier à la détérioration de l'objet. Mais on accepte cette épreuve afin de mémoriser ces instants de solennités et d'intimités comme ceux qu'on vit durant le décès d'un proche qui nous est cher.


Arrive alors la quatrième raison.


Il est sur le point de terminer son projet lorsque le 11 septembre 2001, il vit l'explosion des deux tours jumelles. Stupéfait il monte sur le toit filmer la tragédie pendant plusieurs dizaines de minutes. C'est ainsi qu'il dédie ces enregistrements audio-visuelles aux victimes.


Ce sont ces 4 éléments accumulés qui hissent cet album au statut de bijoux inoubliable. 4 éléments qui s'attirent l'un à l'autre afin de fusionner. Une fusion des plus inattendues et involontaires. Et c'est ça qui est merveilleux ! Quand l'art permet, à l'insu de l'artiste, de transcender son œuvre grâce à des circonstances à la fois terribles et magnifiques.


Au-delà de son allégorie inexorable, cet album parvient à toucher notre âme par des messages universels d'une grâce indélébile.

Ivan_
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le 29 nov. 2021

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