À la base je devais regarder un film de Lynch (il m'en reste plus beaucoup : Sailor et Lula et Dune), mais on m'a forcé à faire un détour chez Netflix.
Et c'était donc l'occasion pour moi de regarder le dernier film d'Alexandre Aja. Alors d'habitude j'essaye d'éviter le plus possible ces productions hyper modernes et trop récentes, j'ai l'impression de perdre mon temps puisqu'on sait d'avance que la trace laissée par ces métrages ne sera que trop éphémère.
Mais étant donné qu'il s'agit d'Aja, tout est différent. En effet, Aja est reconnu pour faire de très bonnes séries b, non seulement efficaces mais qui vont jusqu'au bout de leur idée, Aja ne s'arrête jamais en mi-chemin sur un coup de fatigue pour enchainer erreurs en erreurs y compris lors de son voyage aux Etats-Unis et de la production de Piranha 3D qui n'était qu'un slasher à but satirique.
Aja est réputé pour faire des œuvres de bonnes factures, comment ne pas citer son génialissime La Colline a des yeux ou encore Haute Tension qui ont bien marqué une partie de ma génération, très récemment il a aussi sorti Crawl qui a su utiliser efficacement les codes du huis-clos pour offrir au spectateur un film d'une tension constante.
Avec Oxygène nous avons là une extension plus radicale à Crawl, la différence, c'est qu'à la place des crocos nous avons des souris, nous ne naviguons plus dans les eaux troubles mais dans une capsule cryogénique. Ceci n'est pas sans rappeler une œuvre majeur du huis-clos extrême, oui impossible de ne pas évoquer le film espagnol à petit budget Buried où nous rencontrons les mêmes enjeux, les mêmes problèmes qu'Oxygène, à savoir des appels de détresse, un agent jouant un double jeu (avec une grande nuance pour Buried quand même, il ne s'agit pas vraiment d'un double jeu, regardez le film jusqu'à la fin vous comprendrez), un appel à sa mère, un serpent remplacé cette fois par des souris et j'en passe, on pourrait énumérer d'autres similitudes à l'œuvre.
Là où Buried critiquait de manière acerbe le laxisme de la bureaucratie et de leur déshumanisation, Oxygène se veut plus dans le courant du temps actuel, nous sortons à peine (si puis-je me permettre) du confinement, qu'Aja nous réimplante dans une situation suffocante et claustrophobique, dans un lieu hyper moderne aux apparences confortables mais qui s'avèrera être d'une torture physique et mentale incommensurable. Et Aja est là pour nous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une quarantaine, d'une quatorzaine, mais d'1h30 de survie extrême qui, à terme, se résultera par une asphyxie inéluctable.
Alors qu'en est-il du résultat ? Ça fonctionne, c'est sûr ... nous sommes d'une certaine manière captivés par ce high concept, haletés du début à la fin (j'ai toujours été un friand des films à concept, car ayant l'opportunité d'emmener le spectateur sur un terrain fascinant, transcendant qui dépasse les pensées humaines). Mais de manière presque inhérente, ce genre de métrage est confronté à des problèmes évidents, outre le fait qu'un concept ne fait pas un film, la question qu'on se pose vraiment c'est : s'en souviendra-t-on de ce film des années, des décennies plus tard ? Hélas non. Car Oxygène se range dans la catégorie des films de divertissement purement Netflix que nous "consommons" avant de le jeter dans la poubelle tels de vulgaires détritus issus d'une multinational. Je suis mauvaise langue, car le film n'a pas été produit par Netflix, il n'a été que le distributeur, mais tout de même ! Si je ne me trompe pas, la seule manière de découvrir l'œuvre c'est par l'intermédiaire de Netflix, en d'autre terme, en restant bêtement chez-soi tout en loupant une occasion de la découvrir au cinéma. Maintenant, je conçois l'impossibilité de le sortir due aux conditions actuelles, ou pas ? Puisque les cinéma réouvrent le 17 mai, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
Ceci étant dit, Alexandre Aja dira quelque chose qui est loin d'être bête et permettra de relativiser le problème. Lorsqu'on regarde une œuvre face à son écran télé / ordinateur, il y a une proximité avec les personnages, un "rapport à l'échelle du personnage", par conséquent, notre facteur empathie est plus exacerbée qu'à l'accoutumé, qui plus est, ça permet de faire un vrai parallèle entre ce que nous vivons de nos jours et notre pauvre héroïne.
Mais la production derrière le film et nos conditions de visionnages ne sont pas le seul facteur de l'oubli de l'œuvre.
Bien qu'efficace, Oxygène souffre d'un manque affligeant d'envergure, peut-être vise-t-on nos espérances trop haut, mais n'est-ce pas fondamental pour la survie de l'œuvre ? Car si cette dernière ne réinvente strictement rien, est cousue entièrement de fils blancs, de rebondissements surprenants mais paradoxalement prévisibles et convenus et n'ayant que pour but de nous distraire de notre quotidien, alors que retiendra-t-on du film ?
C'est peut-être l'ultime problème de notre monde hyper moderne et accessoirement celui d'Aja, car malgré tout le respect que j'ai à son égard, on est d'accord pour dire que depuis son envole au USA, Aja manque considérablement d'ambition, réalisant des œuvres aux odeurs conventionnelles, Aja est imbibé des maux de l'art cinématographique actuel, parfois il essaye de s'en défaire en soutirant au spectateur des rires, parfois il crée des œuvres abouties qui nous clouent à notre siège, mais il omet une chose cruciale au cinéma et plus généralement dans l'Art : marquer son spectateur de manière indélébile.
Peut-être un doux espoir pour l'homme dans ce post-confinement, pour le cinéma je crains qu'il en soit autrement.