The Echo Show
6.3
The Echo Show

Album de Yeti Lane (2012)

Premièrement, j'espère de tout c(h)oeur que Flagblues tu ne m'en voudras pas, que tu comprendras bien qu'il n'y a là rien de personnel (encore que, ça a bien failli le devenir), juste une simple question de goûts, et que si ma proposition musicale devait te faire ressentir quelque chose de similaire, n'hésites surtout pas à m'expliquer pourquoi. Que je me considérerais comme plus insultant en affectant une hypocrisie consensuelle qu'en t'exposant gentiment et honnêtement mon point de vue sur l'album.

De gustibus et coloribus, non est disputandum. Enfin, un peu quand même, c'est pour ça qu'on est là.

Ah, pour sûr, ça démarrait bien cette histoire.
La première moitié du morceau d'ouverture me laissait présager un truc versant dans un mélange de Terry Riley et de Neu !, en plus ambiant peut être, c'était la folle ambiance. Puis il a très vite fallut se rendre à l'évidence, la suite ne réservait pas ça du tout. Mais alors vraiment pas. Plutôt un archétype d'un des genres musicaux que je déteste le plus. D'ailleurs, chose amusante, plus on avance dans l'album, et plus les morceaux sont dégueulasses. Brrrhhh, j'en ai des frissons dans le dos.

Cette critique sera plus courte que les précédentes, car comme par principe et par pratique j'aime écouter ce dont je parle pendant que j'en parle (parler = écrire), je vais tacher de faire vite. On me pardonnera donc les approximations, l'absence de développement potentielle, et les oublis. En plus la musique me déconcentrait pour écrire par moments, c'est dire.

Pour résumer, un petit top 10 des choses qui m'agacent profondément, que je développerais un peu, dans le désordre et partiellement, bien entendu. Il sera toujours temps de s'invectiver par commentaires.

1 – La consensualité générale (impardonnable).
2 – La voix
3 – la guitare électrique
4 – les effets sur la guitare, le timbre choisi en somme.
5 – La pauvreté harmonique.
6 – la batterie lourdingue.
7 – Le brouillard mélodique.
8 – Les intonations vocales et gémissements divers.
9 – L'obligation de chanter en anglais.
10 – L'aspect définitivement mou qui s'en dégage.


On a le droit de chanter dans sa langue maternelle, c'est moins « in », mais c'est une pratique aussi. Lâchez-vous un peu, soyez plus sincères, vous perdrez certainement quelques adolescents à grosses lunettes, mais vous pourriez très bien y gagner quelques amateurs plus sérieux. Cette mode qui interdit l'usage du français, de la langue maternelle me déplaît beaucoup. Non pas que je méprise l'usage de l'anglais par des non anglophones, mais son exclusivité ne doit pas être encouragée. Soyons polyglottes !

J'ai une haine profonde pour ces sons de guitare. Je trouve ça complètement ignoble, laid, hideux. A vomir. Alors je sais que c'est personnel, subjectif au possible, il y a des timbres auxquels on est sensible, d'autres que l'on ne supporte pas très bien, il se trouve que la guitare électrique saturée (je crois que c'est saturé, je n'y connais rien, ayant toujours obéi à un commandement, me tenir éloigné de ces enfants bâtards de la guitare) me donne la nausée neuf fois sur dix. Et là, pas de doute, on est dans les neuf fois, peut être toutes à la fois.

La voix maintenant. La voix est peut être pire que la guitare. Je ne sais pas trop, j'hésite beaucoup sur ce que je déteste le plus. D'ailleurs j'ai passé une bonne partie de l'écoute à me le demander. Voix ou guitare, voix ou guitare, voix ou guitare... ? Guitare ? Voix. Je crois que la voix est pire. D'une consensualité défiant toute logique, on dirait du Muse en plus mauvais et ridicule encore (et ce n'est pas peu dire, vraiment). Cette position vocale toute droit sortie du rock (pop ?) m'insupporte énormément, je ne lui trouve aucun intérêt, c'est irritant, injustifié, désagréable. Et cela sans parler des pitoyables gémissements dont le mec se gargarise, cf « Dead Tired », vers 2'. Mais qu'est-ce que sont sensé être ces choses ? Pitié, ne me dites pas que ce sont des vocalises ? S'il vous plaît, pas ça... Mais ça doit exprimer quoi ? Quel sentiment ? Quel émotion ? Quelle intention ? La vraie question, c'est « quelle est donc leur raison d'être, d'exister ? » Heureusement, on ne nous laisse qu'une vingtaine de secondes à chaque fois (aïe aïe aïe) pour prendre conscience du drame musical (pas au sens wagnerien) qui a lieu, car à chaque fois c'est suivi avec ce qui doit s'approcher des pires guitares électriques de l'album (j'ai déjà dit « et ce n'est pas peu dire », non ?), encore plus sales que d'habitude, encore plus laides, encore plus répugnantes.

Sont-ils familiers du concept de modulation ? Tout ceci est d'une pauvreté harmonique dramatique, ce qui a pour effet de créer des nappes de sons sans la moindre personnalité, qui s'enchaînent avec une facilité bourgeoise les uns aux autres. Je ne crois pas qu'ils puissent ce passer de quelques notions d'écriture, s'ils veulent que leur discours musical ressemble à autre chose qu'un fromage oublié dans une voiture un jour d'été.
Le début de « Dead Tired » est à ce titre un bon exemple. Cette introduction m'a fait penser aux deux premiers arpèges de la musique de FF7 (que j'adore complètement d'ailleurs), seulement voilà, au lieu de continuer ces changements d'accords progressifs vers quelque chose de plus raffiné, au lieu de s'essayer à quelque chose, je ne sais pas, qui aurait pu évoluer à la manière de ce fameux (et absolument divin, d'essence divine) premier prélude du Clavecin bien tempéré, vers d'autres accords, des emprunts, des modulations, en bref ce que l'on appelle très basiquement en musique « enrichir son discours ». Non, là on ne prend même pas la peine de poser les quatre accords syndicaux, voilà qu'au bout de trois on recommence. Pas possible ça. De la musique planante, oui, atmosphérique, oui, mais par pitié, mouvante. Planante, pas stagnante. Stagnant, c'est chiant. Quand on est pas sensible à certains aspects d'une musique, on tente parfois avec succès de se rattraper aux branches, comprendre aux autres caractéristiques. Mais là non seulement le travail de timbre me déplaît au plus haut point, mais en plus le travail harmonique est inexistant. Au moins Debussy était -il un génie de ce côté-ci, avec un sens harmonique fort (contraire au mien, mais c'est sans importance), pour se permettre ce brouillard constant. Brouillard qui venait de son sens harmonique d'ailleurs, quand il vient des lignes, euh, « mélodiques », de Yéti Lane. Quand je pense à Cocteau qui tapait sur le « brouillard debussyste », je n'ose imaginer la réaction cardiaque qu'il aurait pu avoir en écoutant ça. Les italiens auraient lapidé ces pauvres gens, pour massacrer à ce point le concept de mélodie. Les français les auraient lapidé pour leur sens inexistant de l'harmonie, et les allemands pour le contre-point lamentable. La boucle est bouclée, tout rentre dans l'ordre, trois peuples pour s'occuper de trois tares impardonnables conjuguées ensemble. Mais qui s'occupera de les lapider pour le timbre ?

Je veux dire, dans cette introduction qui avait du potentiel, même le concept élémentaire de rythme harmonique est bafoué, et ils rajoutent des notes là ou il n'en faudrait surtout pas, brouillant ces arpèges purs, ou plutôt les alourdissant dangereusement. Les notes s'agglutinent à ces arpèges (sans développement ultérieur) avec la grâce de gros tics sur une peau de jeune fille. Et je ne parle que des trente premières secondes là. Non, même pas, le tout premier arpège était déjà sali par une note de trop. N'ayant pas l'oreille absolue, la transposition sera peut être mauvaise, mais les intervalles sont les bons, ça donne do mi sol MI do si sol mi. Pour ceux à qui ça ne dit rien, le deuxième do est la note la plus aiguë, octave juste du premier do, et le deuxième mi, en majuscule, celui de trop, opère un détour qui aurait pu être tout à fait honnête, mais qui ici ne fait qu'alourdir la fuite de cet accord, n'ayant comme raison d'être que de compléter la paire de quatre-doubles croches. Non, ça ne marche pas. Et encore, ce n'est rien comparé au traitement qu'elles subissent sur l'accord suivant. C'est bien simple, on dirait de l'écriture de premier cycle : un peu lourde, on brode là où il ne faut pas, ça sent le remplissage et au choix, la sueur ou son absence suspecte. La musique, l'art, ne doit jamais sentir la sueur, la transpiration. Mais ne doit au grand jamais sentir trop propre. La musique doit sentir, au moins un peu, un petit peu, l'intelligence. L'intelligence à prendre comme la compréhension. Faire de la musique, c'est parler un langage. Pour parler un langage, il faut le comprendre. Sinon c'est du yaourt. C'est du yaourt, je crois qu'ils ne comprennent rien à ce qu'ils disent, espérant tromper les autres. Je crois qu'on a pas le droit de laisser les usurpateurs nous apprendre une langue qui n'est pas la leur. Et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, faire de la musique ce n'est pas nécessairement avoir bouffé du solfège, de l'écriture, et de l'orchestration pendant des années. Chose qui peut faire beaucoup de mal d'ailleurs. Jimmy Hendrix ne savait pas lire la musique. Mais faire de la musique c'est comprendre ce que l'on dit, et lorsque l'on emploi un langage pré-existant, comprendre ce langage. Ils empruntent à l'harmonie, qu'ils la comprennent un peu. Ou à défaut, qu'ils la sentent ! L'harmonie, l'écriture, ce sont des choses très théoriques. Mais cette théorie ne vient de nulle part ailleurs que de la pratique. Pourquoi double-t-on cette note, à telle voix, et non celle-ci, ici ? Parce que des siècles de pratique de compositeurs nous ont prouvé que c'était mieux ainsi, et que si ça aussi était possible, ceci ne l'était pas. Alors Debussy dira à ses professeurs d'écriture (ne le faites pas vous, ça ne marche pas) : « La seule règle, c'est le plaisir ». Réflexion faite je crois qu'il va dans mon sens cette fois-ci. Certes, toute autre règle que le plaisir est caduc, mais ça implique l'existence d'une règle indétrônable, intemporelle, comme un devoir fondamental : La musique doit impliquer le plaisir. Elle doit l'avoir pour but. Quel que soit le moyen, pour l'atteindre. Et ne confondons pas « plaisir » et « beau ».
Je me suis un peu éloigné, mais c'est important, et ce n'est pas complètement hors-sujet il me semble.

Je ne perdrais pas mon temps sur la forme de l'album. Quels sont ces morceaux transitifs étranges ? Il sont la transition de quoi, vers quoi ? Ah, ce pauvre Wagner se retournerait dans sa tombe s'il voyait que c'est là tout l'héritage des 16h de transition perpétuelle qu'il a laissé.

J'essaye de me renseigner, savoir ce qui ne va pas chez ces gens pas si vieux, qui n'ont pas l'âge d'être complètement dépassés. Je vois un article ridicule sur Lesinrocks.com. Fantastique, les gens qui parlent de musique sans connaître les termes qu'ils emploient, quand bien même ils relèvent du plus basique. Je veux dire, parler des « choeurs » comme un élément essentiel pour cet album, le mec ne se laisse plus aucune chance, plus aucune crédibilité pour la suite de sa vie. Les mecs du groupe à côté, l'avenir leur appartient. Je ne parle même pas de la ridicule métaphore céleste qui suit.
Sur The Drone je vois que Ben envisage des cours de piano. Il va sans dire que je le pousse dans cette voix, puis des cours de musique aussi, pourquoi pas. Revoir un peu ses bases. Solfège, écriture, si ça n'a jamais fait un musicien, ça permet d'éviter certains écueils quand la sensibilité manque.
Enfin, le mauvais goût restera toujours le mauvais goût, et je n'ai que peu d'espoir qu'ils arrivent un jour à se détacher de certaines caractéristiques de leur musique qui les empêchent de décoller et nous avec.
Je veux dire, jouer avec des machines c'est bien beau, mais il n'y a rien à faire, la technologie ne se substituera jamais à la connaissance, à la conscience.
Je vois aussi ici et là que ce sont des fans de Neil Young. Oui, rien d'étonnant, encore une fois. A ce propos, j'ai enfin découvert un album que j'aimais bien du bonhomme. Paraît-il que les fans de Neil le déteste, j'aurais peut être d'autres avis, c'est l'album « Trans ». Il tripatouille les bidules électroniques, ça donne des résultats très smooths, alors tout n'est pas réussi, mais on a de belles pépites, comme ce magnifique morceau : http://www.youtube.com/watch?v=eblFQppJfyg
Comme ça je termine sur une note positive. Ah, oui, c'est sûr, ça ne fait pas partie de l'album.
Adobtard
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le 11 févr. 2013

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Adobtard

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