Alors qu’il n’a jamais été aussi simple aujourd'hui d’écouter de la musique tant l’offre et les moyens de le faire se sont multipliés à des niveaux indécents (comment est-il possible de réellement suivre l’actualité musicale avec tous ces nouveaux disques et groupes qui sortent toutes les semaines voire tous les jours ?), il est également devenu très compliqué de dégoter LA musique sortant du lot. A la décharge des artistes actuels, il est vrai que ce n’est pas facile d’imposer sa musique désormais face à des auditeurs devenus zappeurs compulsifs et souvent réfractaires au moindre changement. Néanmoins, il ne faut pas non plus se voiler la face : beaucoup de groupes actuels se parent de références glorieuses pour finalement souffrir de la comparaison avec elles.


La raison est simple : c’est parce que les morceaux ne sont pas à la hauteur des influences affichées.


Cependant, il serait illusoire de croire que ce souci est récent. Il est beaucoup plus ancien et le premier album des Psychedelic Furs en est un bel exemple. Fondé au moment de l’explosion du punk (1977), ces Anglais hésiteront longtemps sur leur nom avant de se fixer définitivement sur ce patronyme révélateur de leur amour du Velvet Underground.


Après sa surprenante introduction atmosphérique, "India" bascule dans un rock rageur teinté d’un psychédélisme urbain et particulièrement sale. Si le Velvet avait décidé d’appuyer plus sur la pédale d’accélération, il est probable qu’il aurait composé ce morceau. D'accord, même si ce titre est effectivement très bon, on a compris le clin d’œil les gars. Toutefois, il ne faut pas omettre le chanteur qui s’égosille sur cette grosse rythmique new-wave, celle de Richard Butler. Un des ingrédients faisant tout l’intérêt de cette bande.


A quoi ressemble sa voix ? Ho c’est très simple. Prenez David Bowie avec un timbre de gros fumeur de gitanes sans filtres, des poches sous les yeux à cause de son grand âge et vous aurez, à peu près, une idée de ce timbre si typé. Une singularité qui serait irritante si la classe n’était pas là. Un charisme explosant sur le morceau phare du disque : "Sister Europe". Sorte de procession gothique et psychédélique à la formidable ambiance. Seul le saxophone (rappelant le glam rock de la décennie précédente) fixe cette composition dans un espace-temps précis car elle doit avoir une quasi-décennie d’avance. Dans cette ténébreuse lancinance noisy se dessine le rock alternatif dissonant et planant du début des années 1990. C’est-à-dire le shoegaze mais aussi le renouveau space rock qui ressuscitera un style que l’on croyait disparu dans les 80s.


Hélas, si ce début d’album impressionne par ses idées et son originalité, la suite apporte vite une petite déception. "Imitation of Christ" paraît bien plus daté dans sa manière de composer et les titres les plus rapides (le punk rock "Pulse", les presque glam "Fall" et "We Love You") sont anodins. La troupe (composée de 6 musiciens quand même) a beau laisser percevoir des influences de bon goût (Roxy Music ou encore Public Image Ltd) dans sa mixture personnelle, impossible de se laisser emporter par des compositions manquant singulièrement d’accroches.


La triste vérité se dessine dans un constat évident : les Britons se débrouillent beaucoup mieux sur les morceaux les plus lents, donc ceux qui privilégient une ambiance. En résumé, les Furs ont une patte mais ils ont des difficultés à écrire de bonnes chansons. C’est ce qui fait la différence entre un "Wedding Song" au feeling narquois (avec même un passage où Richard Butler imite John Lydon) et l’interminable "Blacks/Radio" qui ne parvient pas à convaincre dans son registre carré pour ne pas dire rigide.


En plus de ces griefs, la musique est produite sommairement par Steve Lillywhite. Ce son confus ne plaira pas à toutes les oreilles et rend le propos encore plus opaque. Les puristes de l’underground pourront affirmer que ce son peu consensuel renforce l’aura singulière de ce disque. Certes, mais encore aurait-il fallu que les titres soient d’une meilleure tenue. Ce skeud étant surtout les débuts d’un groupe à la forte personnalité qui n’est pas rôdé car trop occupé à digérer des influences qu’il n’a pas (encore du moins) dépassées.


Alors quoi qu’en disent les esprits chagrins, non, ce n’était pas forcément mieux avant.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 23 août 2019

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