And Still I Rise

Le succès ça se mérite.

En voilà une phrase de merde. Le succès ça se mérite pas, c'est un coup de bol. C'est comme le talent, on l'a ou on l'a pas. Le problème, c'est que les deux vont pas toujours ensemble.
Prends Bettye par exemple.

Le talent, c'est pas un problème. La preuve, à 16 ans c'est déjà une star. C'était l'année 62. "My Man - He’s a Loving Man", son premier single, cartonne. Tournée nationale avec Ben E. King, Clyde McPhatter et Otis Redding, excusez du peu.

Puis le trou. L'oubli. Avant qu'elle revienne, trois ans plus tard.
Son histoire à Bettye, c'est ça. Des rendez-vous manqués avec l'histoire. Des prémisses, mais pas de confirmation. Après chaque succès, on l'oublie.

Mais peu importe. Ça se saurait si c'était facile comme boulot.
Prouver, toujours, constamment.
Revenir, encore.

Y'aurait de quoi en faire une dépression. Autant de cordes à son arc, autant de talent, et rien. Enfin pas rien, une reconnaissance critique, quelques récompenses, une adoration de niche.
C'est mieux que beaucoup vous me direz.

Seulement, quand on entend l'énième comeback de Bettye, on se dit merde. On se dit que ça suffit pas quelques récompenses. On se dit qu'elle a sa place là-haut, à côté des Aretha Franklin, Tina Turner, et autres Etta James. Qu'on aurait pas dû l'oublier, sa voix déchirée et puissante, modelée par et pour la soul.
On se dit que là, ça commence à faire beaucoup.

Après ça, viens pas me dire qu'elle l'a pas mérité son succès. Sauf que non. Sauf que toujours pas. Elle est là, la scène du crime.
Mais c'est pas pour ça qu'elle se bat, c'est pas pour ça qu'elle lutte.
Oubliez-la, négligez-la. Elle reviendra.

Ça commence à faire longtemps qu'elle se relève pour nous. Au point qu'on se demande si on la mérite. A chaque fois la même histoire, on l'aime, puis on l'enterre.
Ça s'entend dans sa voix. Touchée, mais jamais abattue. Vulnérable mais jamais vaincue. Fragile, mais guerrière.

Même à terre, le combat n'est pas fini.
"And still I rise".
Pourvu que ça dure.