Tout le monde, à part la bande de camés du coin, pensait le Velvet définitivement enterré dans les limbes de l'insuccès commercial, creusant tellement profondément leur propre tombe qu'ils ne finiraient jamais par en sortir. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir produit avec The Velvet Underground and Nico et White Light White Heat deux disques majeurs dans l'histoire de la musique rock. Le premier pour ses audaces incroyables et son aura chamanique unique, pièce maîtresse des chefs d'œuvre du rock'n'roll et pas que pour sa banane, et le second pour son raffut sidérant, galette expérimentale ouvrant les frontières du rock jusque là plutôt balisées (vulgairement, l'acid rock des Doors, la pop des Beatles ou le blues des Stones) à un nouveau genre, la noise. Messieurs dames, on est tout de même au début de l'année 1968, à une époque où les Beatles écrasent tout, malgré la montée en flèche des hard rockeurs Led Zeppelin, avec un retour aux sources à la pop plus délicate après leurs expérimentations en tout genre avec Sergent Pepper et le soundtrack du Magical Mistery Tour. Et voilà que l'opposé le plus extrême du son d'un White Album débarque sans crier gare, malgré l'échec déjà cuisant de leur premier disque. Le White Light White Heat fait son ménage. Ereintant par son énergie (des sons plein de larsens et son avant-dernière pièce jouée avec deux guitares désaccordées) très fort pour le statut qu'il assume jusqu'au bout, voilà pourtant que la bande à Lou Reed décide, avec ce disque-ci, leur troisième, de remettre les choses à plat et espérer dépasser les milliers de ventes d'albums.

Les Beatles avaient choisi d'épurer au maximum la pochette du White Album. Voilà qu'après leur White bien à eux, les Velvet bouleversent une partie de leur style musical pour créer de la musique plus commerciale, qui serait susceptible de toucher un public autre que les fous, créateurs et camés, comme le disait si bien Manœuvre concernant leur premier disque. Pas un retour, mais une première avancée vers une forme d'épure totale, l'album s'appelant simplement « The Velvet Underground », renaissance du joyeux bordel en forme de recueils de titres bien plus accessibles, sans être toutefois moins intelligents. Très tentant de faire parler les ballades, le beau et apaisé Candy Says du début laisse vite place aux guitares énergiques et huileuses à souhait de What Goes On, autrement plus bandant que celui de Ringo Starr (sur le Rubber Soul des Beatles). Comme si, finalement, planait toujours ce spectre pas assez rassasié des grésillements des deux premiers disques. Putain, les Velvet n'ont pas encore touché le fond, on en ouvre une pour fêter ça. L'amateur, pardon, le fanatique des premières œuvres du Velvet sera déconcerté, on trouve ici une quantité improbable de mélodies douces, le nouveau chemin artistique emprunté par Lou Reed commence déjà à pointer (Pale Blue Eyes, très repris par la suite) avec une poignée de titres qui, s'ils n'ont pas tout à fait beaucoup en commun, donnent déjà un sérieux aperçu de ce que risque d'être le nouveau Velvet à l'avenir : Jesus, Beginning to See the Light, I'm Set Free, That's the Story of My Life. Excusez d'avance, mais rayon introspection, un tel enchaînement de titres pareils fait tout drôle. Lou Reed se livre sans être non plus totalement démuni, il n'en est pas à renier ses pires expériences défonces des années passées, pleurant dans son mouchoir encore un chouya poudré.

Reste qu'étonnamment, les titres les plus accrocheurs du disque sont les moins rentre-dedans : déjà les Jesus et I'm Set Free cités un peu plus haut, le premier pour son caractère sidérant malgré ses quatre lyrics à tout péter (la preuve que le père Reed sait communier autrement que par le texte qui doit « faire sens ») et le second pour sa violence tout en déséquilibre qui traverse l'ensemble du titre. Déséquilibre aussi avec le très Doors « The Murder Mystery » et ses double voir triple voix à rendre marteau n'importe quel gugusse pourtant très stable dans la vie. Ruptures de ton, cassures par paquets, répétitions finales agencées de telles manières à créer un climax délirant, on nage en plein déséquilibre, et ça dure plus de 8 minutes. Enfin, il fallait bien un simple duo guitare sèche/basse pour clore l'album et chuchoter à l'oreille des types qui écoutent le troisième Velvet, que les surprises vont toujours bon train dans les bas-fonds.
XavierChan
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le 23 déc. 2011

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XavierChan

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