Milk & Honey
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le 17 oct. 2013
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Il serait difficile d'établir avec certitude lequel des disques de Robbie Basho est le plus accessible, ou pire, avec lequel il vaudrait mieux commencer. Chacun des disques du moustachu mystique est puissamment immédiat, tant le guitariste semble constamment jouer à l'instinct, comme s'il avait en permanence sa musique au bord des lèvres, prête à être délivrée sans fard, brute. Mais d'un autre côté, son art est si particulier, si premier degré et sans compromis, que l'auditeur (même averti) peut avoir vite fait d'être agacé par le jeu de guitare peu orthodoxe ou surtout par son chant vigoureusement opératique. En ce sens, selon qui l'abordera, le moindre de ses disques pourra s'avérer extrêmement accessible comme facilement rebutant. Ceci étant dit, et pour en venir au disque dont il est question ici, je pense pouvoir avancer sans risque que pour qui apprécie son chant, The Voice of the Eagle est le plus direct et le moins déstabilisant des albums de Robbie Basho.
De fait, voilà un objet qui n'aura pas volé son nom. Sur son deuxième essai des seventies, Basho offre ce qui restera comme le plus vocal de ses témoignages : de l'ouverture-titre au final, chacune des peintures ici présentes voit l'homme s'illustrer au chant, chant qu'il semble vouloir toujours plus intense, toujours plus affecté, toujours plus acrobatique (passez-vous seulement « Wounded Knee Soliloquy » pour comprendre à quoi vous avez à faire). Comme si sur cet album plus que sur aucun autre le maître avait voulu se rapprocher le plus possible de celle qu'il cite comme son influence majeure : Yma Sumac, chanteuse péruvienne à la tessiture superlative. Parallèlement à ce déchaînement vocal, la guitare s'autorise à prendre temporairement congé des odyssées acoustiques qui furent le lot commun du Basho des sixties : ici on va à l'essentiel, très peu de fingerpicking (à part sur « Blue Corn Serenade »), la part belle est faite aux accords grattés qui ne sont là que pour fournir une base aux errances vocales. Variations inspirées d'une approche de plus en plus dépouillée qui trouvera son aboutissement sur le diamant brut « Blue Crystal Fire » à venir.
Dans son approche instinctive et syncrétique du folklore américain, Basho donne par moments l'impression de réconcilier natifs et colons, cowboys et indiens tant ses plaintes lancées au ciel évoquent aussi bien l'exercice effréné du rodéo que les chants ancestraux des Appalaches. La fibre américaine de Basho (développée plus amplement quelques années plus tard dans Visions of the Country) est tout particulièrement mise en valeur ici ; on ne trouvera sur The Voice of the Eagle plus vraiment trace des ragas dont il faisait sa spécialité. D'ailleurs le seul passage du disque trahissant une influence hindoue, l'ouverture éponyme et ses tampuras, semble un peu à côté de la plaque tandis que Basho s'égare dans des mélodies qui peinent à faire mouche et qui font tâche à côté de la sidérante efficacité de ce qui viendra par la suite. En somme on pourra dire, comme à chacune des découvertes de Robbie Basho, ce grand méconnu mythique de la douze cordes : il l'a encore fait. Il nous a encore pondu un disque qui ne ressemble à aucun autre, sans précédent ni successeur. Une énième facette d'un artiste aux mille talents, qui ne manquera pas de se réinventer une fois de plus deux ans plus tard... mais ceci est une autre chronique.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes L'épiphanie folk de mon été 2015, Salut ! Tu ne me connais pas encore, j'ai moins de 30 notes, mais ensemble on va faire des folies ♥, American Primitive Guitar : Avec tes doigts creuse tes racines, avec tes cordes chatouille les astres, (Still A)Live Report - Le Guess Who Festival 2016 et La voix de l'aigle & la guitare de Shiva [Portrait d'une discographie #5 - Robbie Basho]
Créée
le 12 oct. 2015
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Cette citation n'est pas de moi, c'est Saitama lui-même, principal protagoniste et « héros » de One-Punch Man, qui la prononce après un énième gros vilain dûment tabassé d'un seul coup...
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