Ting
7.7
Ting

Album de Nits (1992)

Un de leurs meilleurs albums, une merveille

Pour moi, dans la (superbe) discographie des Nits qui s’étale désormais sur 50 ans, il y a 3 chefs d’œuvre évidents : « In the Dutch mountains » en 1987, « Les Nuits » en 2005 et ce « Ting » de 1992. Les 3 sont de pures merveilles dans lesquels on ne peut rien trouver à redire (à moins d’être infiniment difficile, mais alors, là, la pop des Nits ne peut plus rien pour vous !!!). Attention à ne pas négliger le reste de leur vaste catalogue, car dans chaque album, il y a au-moins une merveille à (re)découvrir. Le trio néerlandais était alors dans sa période la plus créative, avant que Robert Jan Stips ne s’en aille pour vivre ses propres aventures en 1996 (avant de revenir quelques années plus tard). Rappelons juste quand même qu’en cette année 92, le « Nevermind » de Nirvana passait partout, tout le temps, c’était l’année du grunge, l'année du Ten des Pearl Jam ou aussi du Dry de PJ Harvey, le rock fusion cartonnait avec l’album éponyme de Rage Against the Machine, bref un moment où le monde du rock n'en a rien à faire des perles pop intimistes des Nits.

Les Nits nous offrent là une sorte de voyage immobile, rempli d’instantanés comme autant de petits films de 3 ou 4 mn chacun, comme si on cheminait dans un train qu’on prendra de toutes les gares du continent et dont les chansons seraient les différents arrêts. Les mélodies son somptueuses et n’ont rien à envier à celles des Beatles, un de leurs modèles évidents. Les arrangements sont d’une finesse et d’une subtilité si incroyables qu’on pourrait presque en rester bouche bée (et pourquoi pas après tout ?!). Ces petits films sont comme autant de tranches de vie qui nous sont offertes : Il y a une rivière, où les souvenirs courent comme des mains sur un clavier, une rivière grise et triste et qui finit par sourire. Il y a un arbre qu’on abat (pour en faire un meuble ?) et qui tombe. Une maison sur la colline. Le flux aveugle des voitures qui passent, comme un ballet mis en musique par Philip Glass. Il y a aussi des nuits qui tombent aussi, le fantôme de Leonard Cohen (autre grand modèle des Néerlandais) est déjà venu rôder sur l’album précédent (avec « The Night Owl »). Il y a un bateau jaune qui passe sur la rivière, tache d’huile sur un monochrome (« Yellow Boat »). Il y a enfin une fille appelée Christine mais elle est dans un rêve, il n’est pas du tout sûr qu’elle existe (« Christine’s world »). Et comment peut-on rencontrer quelqu’un qui vit avec un jour d’avance ?

3 musiciens en apesanteur : Henk Hofstede à la voix plus « lennonienne » que jamais mais ce qui marque aussi nos oreilles, ce sont les claviers superbes de Robert Jan, un piano onirique, aérien essentiel au son des Nits (sans lui, ça ne sera plus tout à fait la même chose) et il est ici omniprésent mais jamais étouffant, au contraire, d’une légèreté confondante (« House on the hill », « I try »…), ses notes sont comme des petites virgules qui ponctuent les paroles de Henk, qui les habillent avec une intelligence peu commune. Enfin, même discret, la batterie de Rob Kloet renforce cette impression de légèreté, presque de brume qui entoure ces histoires et il a sans doute utilisé bien plus des balais que des baguettes (en concert, il utilise autant l’un que l’autre). Aucune guitare dans ce voyage, vous l’avez compris et même les percussions sont très douces. C’est pour moi un disque « d’hiver », tout semble nimbé, ouaté, confortable mais ne cédant jamais à la facilité. C’est étrange, j’aurais bien du mal à l’expliquer, mais je ne me vois pas du tout écouter cet album en été en plein soleil ! Disque hivernal mais jamais glacial, le feu étant lui dans la tête (« Fire in my head »). « Cars & cars », « Soap bubble box », « House on the hill » ou encore « Tree is falling » (pour ne prendre que 4 exemples), figurent parmi les plus belles chansons des Nits. « River » est belle à pleurer (et des chœurs « beatlesiens » plus que jamais !!!), mais c’est pratiquement le cas pour tout l’album.

Impossible de trouver des points faibles à cet album. Henk Hofstede avouera 10 ans après la sortie ne toujours pas avoir compris comment ils ont atteint un tel résultat, comme quoi, la création musicale relève parfois de la magie ! Un trio qui atteint là une totale maturité sonore, 3 musiciens qui ont toujours voulu explorer des voies différentes, quitte à désarçonner le public (c’est vrai que le succès commercial leur ait passé largement au-dessus la tête !). Leurs fans, eux, dans toute l'Europe savent ce que la pop au sens le plus noble doit aux Nits. Et en 2024, ils sont toujours aussi créatifs et aventureux : leur denier EP sorti en 2023 (« Tree House Fire ») rend hommage à leur vieil atelier d’Amsterdam parti en fumée en 2022. Ils sont toujours là et bien là et viennent de fêter leurs 50 ans de carrière avec un concert sublime à Paris durant lequel ils ont montré une joie et un plaisir qui prouvent que les années n’ont que peu de prise sur eux. Ayant dépassé largement les 70 ans aujourd’hui, on aurait dit être face aux étudiants qu’ils étaient lorsqu’ils ont formé les Nits en 1974 ! Le genre d’albums intemporels (très très rare) auquel je mettrais plus de 10 étoiles sans la moindre hésitation si c'était possible. Un album qui vous accompagne pour la vie (ce serait amusant d’en faire la liste, tiens). Je suis rarement aussi élogieux, mais là, ça vaut le coup.

JOE-ROBERTS
10
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le 25 févr. 2025

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