Derrière ce titre amusant et cette pochette qui l’est tout autant, se cache une des œuvres les plus glauque que le grunge ait produit. Après celui des grands groupes du genre, Stone Temple Pilots délivre son épitaphe avec ce disque désespéré et d’une tristesse absolue. Il nous confirme la fin de toute une époque et surtout la place à laquelle la bande tient le plus : celle d’un des véritables fers du lance du grunge et qui lui a permis d’atteindre un zénith commercial. Car il a beau avoir dérivé vers ce post-grunge qu’il a inventé, il n’en n’oublie pas ses origines.
En vérité, je vous raconte n’importe quoi.
STP ont cette aptitude à se tourner vers une mode afin de gagner des sous. C’est à croire qu’ils avaient un talent caché en marketing. Tiny Music est donc bien à l’image de son intitulé et de sa pochette : c’est une musique légère, acidulé et exubérante. Une musique, dorénavant, tournée vers un autre continent, l’Europe. Le Post-Grunge, Américain de naissance, étant presque abandonné (du style, il ne reste plus que quelques guitares maousses) au profit de l’autre phénomène populaire qui a pris le relais auprès des jeunes suite à la mort de Kurt Cobain : la Britpop. Surtout qu’en ce milieu des années 1990, Oasis ne faisait plus seulement parler de lui sur le vieux continent. Les Ricains tendent également l’oreille vers une musique pourtant Anglaise dans l’esprit.
Comme à chaque fois, le gang de Scott Weiland étonne avec son opportunisme décomplexé, parce que le résultat est sacrément convaincant.
Première trace audible de ce changement radical, la voix de Weiland qui troque son timbre viril et désabusé contre une voix androgyne et légère. Un remplacement de cordes vocales déconcertant mais tout à fait cohérent avec ces chansons très différentes d’un passé lourd et rageur, puisque pop, glam et psychédéliques.
Ce maëlstrom de sonorités originales n’a pas surgi de nulle part. Cet album étant bien l’œuvre la plus collective du combo. La majorité des membres ayant versé ses propres influences dans le potage (glam et punk pour Weiland, rock des 60s et 70s pour Dean DeLeo ainsi que du jazz et de la bossa nova pour Robert DeLeo). Ce qui donne cette étrange mixture à la fois arty, rugueuse et poppy. De la lounge music s’invite même à la fête. Pour le meilleur (la jolie « And So I Know ») et pour le pire (la soporifique « Daisy »).
Sans trop s’en rendre compte, Stone Temple Pilots a créé un OVNI. Une synthèse entre la musique de deux continents, celle des États Unis et de l’Angleterre. C’est pour cette raison qu’il est dommage que l’écriture ne soit pas tout le temps à la hauteur de cette forte identité.
« Pop's Love Suicide » et « Art School Girl » proposent des refrains immédiats, mais la composition demeure un peu trop simpliste pour passionner. « Adhesive » a le même souci, son chœur à la Beatles étant magnifique. Hélas, ses couplets un poil mous gâchent la fête.
D’un autre côté, la formation assure quand elle fait des efforts. Les « Big Bang Baby » (au break vocal fantastique), « Trippin' on a Hole in a Paper Heart » (au solo déjanté) et autres « Ride the Cliché » (à l’impeccable refrain) sont imparables. Même si aucun des grands moments de cette boutique de souvenirs du Vatican n’atteint le niveau des chefs d’œuvres du quatuor (pas de « Plush », ni de « Big Empty » ici).
Tiny Music fait partie de cette catégorie d’œuvre ne faisant pas l’unanimité (les critiques furent, d’ailleurs, mitigées à sa parution). Néanmoins, ce n’est pas uniquement en raison de sa personnalité. C’est en cherchant à s’éloigner d’un héritage difficile à assumer (le post-grunge était déjà mal vu à cette période), que le groupe perd en efficacité.
Toutefois, ne soyons pas trop durs avec cette sortie perfectible mais diablement attachante. Les artistes effectuant une spectaculaire mue sans perdre des plumes étant rarissimes. En 1996, Stone Temple Pilots ont démontrés qu’ils n’étaient, justement, pas comme les autres.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.