Critique initialement publiée sur le site exitmusik.fr


2002 et le retour du rock. Le monde se dodeline sur « Seven Nation Army », loue la sophistication des Strokes ou encense l’énergie des Hives. Mais dans sa presque globalité, il ignore quatre larrons venus de la torpeur de la Californie, les Lords Of Altamont.


Resituons tout d’abord ce qu’est Altamont et ce que ça représente. Altamont n’est pas une ville, c’est un circuit automobile situé dans le nord de la Californie. Fermé en 2008, le lieu est resté célèbre pour les amateurs de NASCAR mais également de rock and roll. S’y est en effet tenu en 1969 le Altamont Speedway Free Festival.


Organisé par les Rolling Stones et gratuit, l’événement se voulait être le Woodstock de la Côte Ouest et réunit les Stones donc, mais aussi Jefferson Airplane, Santana ou autres Flying Burrito Brothers. Ce petit monde demande aux Hell’s Angels locaux d’assurer la sécurité des 300.000 personnes présentes, ce qui se révéla être un fiasco total au milieu du déchaînement de soleil, d’alcool et de drogues de ce samedi 6 décembre. Le tristement célèbre point d’orgue du festival arrivera avec l’assassinat au couteau par les Hell’s d’un spectateur black à quelques mètres de la scène durant le show des Stones. Chaude ambiance…


Fort de cette référence, le groupe s’inscrit justement dans cette esthétique très bikers kitsch avec de larges références aux films d’exploitation de cette époque. Motos, crânes, chaînes, éclairs, tatouages et danseuses chichement vêtues (leurs shows sont accompagnés de la délicieuse go-go dancer Moana Santana, avis aux amateurs) participent à la très forte imagerie qui entoure les Lords.


Le cœur du groupe, au line-up très évolutif, bat en la personne de son frontman, Jake « The Preacher » Cavaliere. Déjà tout un programme. Le garçon propose un CV long comme une route dans le désert. Membre des Fuzztones, Witch Doctors, Morlocks ou autres Bomboras, le Prédicateur est également tatoueur et réparateur d’orgues.


Son chant sauvage et racé est justement accompagné de ses performances au Farfisa (quand il ne monte pas dessus pour voir le public de plus haut). Et c’est en partie ce qui fait la force des Lords Of Altamont, combiner ces mélodies terriblement pop venues du garage 60’s, on pense aux Sonics ou aux 13th Floor Elevators, à la déferlante sonique des 70’s, l’école de Detroit (MC5, Stooges…), les Cramps ou les Dead Boys en tête.


Ces deux principales influences se retrouvent tout au long de To Hell With The Lords Of Altamont. La batterie frappe dans un beat toujours impeccable, les guitares cisaillent et font hurler l’overdrive et la fuzz, la basse tient le tout dans des lignes simples mais efficaces avec une prod’ aux petits oignons. Cette chevauchée sauvage de décibels ne tombe pas dans la facilité de certains autres groupes revivalistes. Les compositions sont là, parfois percutantes, parfois dansantes, mais toujours solides. Disons-le clairement, ces Seigneurs ont une âme.


To Hell With The Lords Of Altamont s’ouvre sur « The Split », avec son long slide distordu, annonçant la virée en enfer à venir. Morceau parfait dans l’absolu tout autant qu’en guise d’introduction. L’entêtant riff porté par une lourde basse de « Too Old To Die » (suivi bien entendu de too old to care) vient rappeler que les Lords viennent de Californie, haut lieu du psychédélisme 60’s. On retrouve cette essence dans « Dementia Are Go », morceau le plus trippant de l’album avec ses longs breaks et son « 1.2.3.4 » annonçant le pic d’énergie final, alors que « Come on… », petite bombe dépassant à peine les deux minutes parvient à ressembler à une chute de Raw Power.


Véritable marque de fabrique, les Lords ponctuent l’opus de reprises bien senties : l’ultra dansante « Come On Up » des Rascals, groupe américain de blue-eyed soul, et « Knock Knock » (de Dan Wheetman) et son changement de rythme hallucinant.


Si l’album se tient parfaitement, chipotons tout de même pour le plaisir sur quelques morceaux légèrement en deçà, tels que « Born To Lose » ou « Stripped Down ». On peut également reprocher un léger manque de variété entre les morceaux (mais en avons-nous vraiment besoin ?), moins présent dans leurs albums suivants, plus mâtures et dans lesquels certaines influences nouvelles (toujours de bon goût) viendront s’intercaler.


Sans être leur chef d’œuvre, To Hell With The Lords Of Altamont pose les bases de ce que seront les Lords dans la décennie qui viendra : high energy de bout en bout, compositions de qualité, chant possédé et grosses guitares saupoudrées de cet orgue magnifique. Sous cette couche d’overdrive se discernent un amour et un respect sincères pour ce qui s’est fait de mieux dans le rock and roll jusqu’à maintenant. La messe est dite.


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le 29 mai 2018

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