[Chronique écrite en mars 2019]
De manière étrange la musique australienne n'est pas très connue. Pourtant, dans le même temps, c'est là-bas que déboulent les meilleurs groupes de la nouvelle scène synthpunk. Situés quelque part entre NUN et Ausmuteants, en voici les derniers nés, j'ai nommé U-Bahn. Tirant leur nom du métro berlinois, le quintette australien est composé du noyau de Zoe Monk (aux claviers et aux chœurs) et de Lachlan Kenny (au chant et aux claviers), qui se sont rencontrés et ont décidé de former un groupe quand la première a voulu acheter une boite a rythme au second et s'est rendu compte que tous ses albums préférés étaient sur le mur de la piaule du jeune vendeur. Tous deux âgés de 20 ans, ils sont passionnés par les groupes de punk expérimentaux américains des années 70, autrement dit Devo et The Residents. L'influence des deux groupes, en particulier le premier, est essentielle dans la musique de U-Bahn.
Ce premier album, éponyme, fût principalement composé et enregistré par Lachlan Kenny seul avant la rencontre avec sa claviériste et son guitariste, Leland Buckle. Rapidement, ils se retrouvent avec 11 titres. L'album fin prêt, le trio engage un batteur, Darcy Berry, et un bassiste, Myles Cody, et peut finalement s'exporter de manière explosive en live. Ils sont rapidement signés sur le label (français !!!) Future Folklore et leur album sort en février 2019.
Composé de onze titres assez minimalistes et très proche du son Devo période Hardcore 74-77, les titres évoquent des thématiques très actuelles : androgynie, problématiques de genres, sexualité et plus globalement les rapports entre humains dans cette période socialement chaotique qu'est ce début du XXIème siècle. Ainsi, Lachlan Kenny, en grand fan de Bowie, assume complètement son côté féminin et androgyne sur des titres comme "Beta Boyz" ou "Right Swipe". Ces deux singles du groupe qui sont également accompagnées de clips assez bien foutus, sont également des pamphlets contre la toxicité masculine et les réseaux sociaux de "rencontres", qui tuent peu à peu les relations humaines au profit de réactions robotisées et formatées. Le reste du disque reste dans la même veine, parcourant des titres tous plus nerveux les uns que les autres, avec une production très brut de décoffrage mettant en avant batteries à la fois primitives et extrêmement précises sur fond de synthés foutraques. En gros, tout ce qui faisait déjà la force de l'album Duty Now For The Future, un album signé Devo il y a de ça 40 ans. Impossible de ne pas penser au quintette d'Akron, Ohio sur des morceaux comme "Turbulent Love", "War Of Currents" ou "Bourgeois" tant les rythmiques, les leitmotivs, les sons de synthés, les breaks et les voix semblent en être des décalcomanies réussies.
U-Bahn, le groupe comme leur album, conviendra donc parfaitement aux fans de synthpunk 70's. Cette manière si habile de réhabiliter Devo à l'aube de cette nouvelle décennie 2020 prouve à quel point notre société ne fait que tourner en rond depuis les cinquante dernières années, répétant comme un disque rayé les mêmes erreurs, encore et encore, sans chercher à se renouveler. Comme toujours avec ce type de disque, il faudra s'attendre à prendre une baffe pendant les lives tellement l'énergie brute des U-Bahn n'attends que la scène pour être balancée de manière pure à la face de l'auditeur... Le message sera le suivant : Préparez vous aux années 2020 !