Ce disque est une rafale de coups de poing dans le ventre. A moins qu’il ne s’agisse d’un coup de boule mental ou d’un Mawashi-geri dans la face. Peu importe. Sur cet album, Unwound tire au fusil à pompe et ne fait pas de prisonniers. Mais ça, on pouvait peut-être le deviner. Rien qu’avec cette pochette sommaire. Quelle est sa couleur dominante ? Le rouge. Un rouge sombre semblable à du sang séché. Le même qu’on retrouve dans la ruelle derrière un club de combats clandestins.
Alors que le gang de Justin Trosper se sophistique de plus en plus au fil de leurs sorties, celle-ci étonne avec son regain de brutalité. Ce n’est pourtant pas un retour aux sources. Car si cette œuvre sans titre parait bien en 1995, il s’agit en réalité de leurs premiers enregistrements qu’on peut dater de 1992. Tout s’explique et on est soulagé.
Car sans un minimum de maitrise, la puissance n’est rien. Le groupe ayant une productivité intense (un disque tous les ans), la parution hâtive de ce mini-album laissait craindre le pire. Le punk étant capable d'être navrant quand il fonce dans le tas sans réfléchir.
Cependant, Unwound n’est pas un trio punk comme les autres. Il est même plus à rapprocher du rock alternatif dans le principe (ce qui est constat qu’on peut étendre à tout ce qu’on a étiqueté comme étant du post-hardcore). Car si plusieurs de leurs influences (Black Flag et les Wipers) sont discernables, leur musique développe une multitude d’idées. Ce qui a pour effet de rendre leur hardcore plus diversifié que la majorité des enregistrements du genre et évitant ainsi cette terrible monotonie qui les plombe régulièrement.
Non seulement « Antifreeze » est un de leurs tout meilleurs morceaux, il est également représentatif de ce qui rend Unwound si remarquable. L’articulation entre rythmique nerveuse et guitare inspirée (Trosper alternant riffs immédiats et dissonances recherchées) est exemplaire. Une symbiose ne s’expliquant pas par un line-up déjà définitif. Puisque Sara Lund n’occupe pas encore le poste de batteuse. Brandt Sandeno étant derrière les toms et abat un boulot considérable. Ses rythmes apportant l’énergie nécessaire à ces compositions pour les rendre irrésistiblement dynamiques.
Justin Trosper n’est, certes, pas un chanteur particulièrement remarquable. Ses hurlements restent, néanmoins, parmi les plus touchants du style. Loin d’être un performer qui s’amuse à casser les oreilles de son public comme trop souvent dans le hardcore, il sait comment moduler sa voix pour lui donner une rare efficacité émotionnelle. D’ailleurs, sa voix ne sera jamais autant écorchée que sur ces débuts furibards.
Le constat est similaire pour le bassiste Vern Rumsey. Sa place dans le son de la formation n’est pas encore centrale. Mais son instinct mélodique lui permettant de sortir une ligne de basse envoûtante (cet époustouflant décollage sur le génial « Understand & Forget ») était là dès le départ.
Le génie artistique est donc déjà présent. Les graines ont germé malgré ce line-up s’apprêtant à changer. Toutefois, premiers pas oblige, le groupe est surtout incroyable quand il fait parler la poudre. Les instants les plus calmes (« Stuck in the Middle of Nowhere Again » et « Fingertips ») deviendront plus abouties avec l’arrivée progressive de la maturité. Quoique, c’est bien son apparente accalmie qui rend « Kid Is Gone » si saisissante lorsqu'elle démarre à fond les ballons. Quant à « Kandy Korn Rituals », il s’agit du point de départ de cette folle ambition qui va mener leur carrière. Le titre n’est pas très long (seulement un peu plus de cinq minutes), mais il l’est bien plus que les autres. Il enchaîne changement de rythmes déconcertants, larsens agressifs et voix à la limite de la rupture. Une conclusion au poil pour ce skeud guerrier à l’explosive intensité.
Parce qu’en moins d’une demie heure, Unwound dévoile que toute sa sauvagerie et son intelligence n’ont pas surgit de nulle part. Elles étaient en action dès les premières notes qu’ils ont fait sortir de leurs instruments.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.