Après un debut album d'une grande qualité suivi d'une longue tournée mondiale (Trianon 2017 c'est gravé), il était grand temps pour le trio de Brooklyn de partir chiller, revenir plus chauds que jamais pour un second voyage et remettre une claque à la scène new yorkaise.
Bien que Manhattan Beach et Coney Island ne soient situés qu'à quelques miles au sud de Flatbush, la destination choisie est bien plus audacieuse car le besoin d'évasion est plus que jamais marqué pour nos trois zombies.


Tirer le meilleur d'un environnement urbain rude et violent, faire la paix avec ses vieux démons, c'est le crédo de ce Vacation in Hell qui nous fera voyager entre tueries de boom bap et rap plus conscient, plus que bienvenu dans l'univers artistique du groupe.


Ainsi, ce second opus est clairement séparable en deux parties bien distinctes. Ceci étant dit, l'Architecte à la prod sur la quasi intégralité de l'album nous garantit une évolution cohérente et bien amenée, si bien qu'au moment où la débauche d'énergie habituelle du groupe fait place à des tracks plus posées, on ne peut que rester admiratif devant l'évolution du groupe en tant qu'artistes. Là où il aurait été facile de penser que Flatbush Zombies était destiné à demeurer dans des standards cloud and drugs, le groupe opère un tour de force.


Commençons par le départ en vacances et cette intro Hell-O qui tape et le trio qui vient se rappeler à notre bon souvenir de la meilleure des manières, suivi d'un Chunky qui ne manquera pas de souligner le travail conséquent effectué sur les prods par Erick Eliott. Le producteur et MC du groupe avait annoncé et documenté son travail sur les sonorités de cet album, touchant de plus à la guitare pour un rendu réussi. Dans la veine des Arcstrumentals dont le deuxième opus a été mis à disposition du public en février, Erick ne peut plus se cacher malgré sa discrétion habituelle. Il s'impose comme l'un des producteurs les plus doués de la scène new yorkaise, à des années lumière de beaucoup de big names en terme de recherche de sonorités.


S’enchaînent alors les hits boom bap jusqu'à moitié du projet, le temps de constater que le groupe sait kicker comme il faut, que leur amour du hip-hop n'est pas feint et transparaît dans leurs travaux (la tuerie Headstone en tête de file) à chaque instant. La culture hip-hop et l'appropriation malicieuse de ses codes à des fins commerciales est d'ailleurs l'un des thèmes de l'album et revient en particulier sur Facts ft Jadakiss où un Meechy Darko full vénère vous prouvera par A + B pourquoi les Migos ont bel et bien sorti un bon gros 22-track album de merde.


Le chemin vers la plage des vacances est pourtant parfois cahoteux, comme en témoignent les petites bizarreries disposées ici là, le refrain sur Big Shrimp bancal et incongru ou le passage un peu anecdotique de Joey Badass, bien que la track éponyme soit une véritable tuerie à écouter en voiture. De bons featurings de A$AP Twelvyy et Bun B complètent le roster mais l'impression persistante de l'omniprésence de Meechy Darko est déjà marquée à mi-album.


La seconde partie du projet déplaira peut être aux die hard fans du groupe mais témoigne d'une évolution du groupe qui me laisse à présager que le meilleur quant à l'évolution de leur carrière. Je n'avais jamais songé à ce groupe comme étant capable de produire du rap conscient sans tomber dans le pathos ou la facilité et c'est pourtant la plus grande réussite de cette seconde partie d'album. Parfois ponctuée de sonorités electro-pop bien amenées grâce aux collaborations (Portugal. The Man sur Crown vient faire le taf), on navigue entre les genres et la qualité textuelle du trio suit, alternant la mélancolie (YouAreMySunshine en la mémoire de A$AP Yams, U&I, The Glory ft Denzey Curry plutôt propre) ou le plus politique (Best American).
Si cet aspect de l'album fera évidemment moins trembler le sol des salles de concert, impossible d'être déçu par la direction prise par les Zombies.


Avec un deuxième projet quasi auto-produit dans son intégralité et un Meechy Darko de feu, il ne reste quasiment plus de place pour Zombie Juice qui se retrouve souvent cantonné aux refrains malgré quelques fulgurances notables. Si la relative discrétion de Erick Eliott au mic s'explique aisément par le travail conséquent à la prod, la surexposition de Meech fait un peu tâche bien qu'il soit excellent. On pourra donc d'un côté reprocher un manque d'équilibre dans le groupe alors que d'un autre, c'est ce déséquilibre même qui permet un réel renouveau dans la structure de chaque track.


L'épreuve du feu du second album est globalement passée sans encombre majeure pour le Zombie Gang (GANG GANG!). Entre amour du hip-hop et introspection, ces vacances ont bien commencé avec ces relents de stress de la ville pour se terminer plus paisiblement. Si certains accrocheront moins à la seconde partie de l'album, ils ne pourront que s'incliner devant ce 19 titres de 76 minutes dont la qualité globale devrait faire pleurer nos doux rappeurs à texte d'Atlanta pendant un bon moment.


Les Zombies du comté de Kings peuvent retourner dans leur crypte en paix pour le moment. Si on attendra de pied ferme des nouvelles d'une collab Joey Badass, The Underarchievers, Flatbush Zombies voire même A$AP Mob. le mouvement Beast Coast ne s'est jamais aussi bien porté.


Les tueries :
- Headstone
- Facts
- Reel Girls
- Leather Symphony


Les moins bien :
- Ask Courtney
- Misunderstood


[7,5/10]

Ol-Pao
7
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le 30 avr. 2018

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Ol Pao

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