Imaginez une entrée de salle de cinéma à un festival du film italien. En face de l'entrée principale, les affiches des films projetés : les comédies légères habituelles, les drames familiaux en Calabre/Sicile/Pouilles (rayez les mentions inutiles) et les films de mafiosi en Calabre/Sicile/Campanie (rayez les mentions inutiles). Au milieu de cet éventail d'affiches, celle de Lo Chiamavano Jeeg Robot détonne.
Elle détonne, ou plutôt détonnait car avant que le distributeur français ne la pare d'un contour rouge hideux accouchant d'un effet Grindhouse totalement parti en sucette, elle avait de la gueule!
Un film de super-héros italien avec le titre marqué également en japonais (juste pour le fun selon le réalisateur), primé dans deux festivals de ma région par la critique, avec en premier rôle ce bon vieux Claudio Santamaria qui avait fait le taf dans des drames comme Diaz ou Il venditore di medicine.
Restait à savoir comment l'ensemble allait se goupiller mais si j'étais certain d'une chose, en tant que ritalorrain amateur de super-héros, c'est qu'il fallait foncer.
Autant le dire de suite, le résultat en soi n'est pas une surprise. Ainsi, pas de scénario révolutionnaire au programme et évidemment aucune trace du milliard de dollars au budget pour des effets spéciaux à "couper le souffle" (coucou X-Men Apocalypse!).
En lieu et place, et ça fait plaisir, une galerie de personnages bien écrits et cohérents dans leur interprétation.
De l'antagoniste ici représenté par un voyou gitan névrosé jokeresque souvent meilleur que Jared Leto, au sidekick improbable du héros, ici une fille de mafieux pour qui le spectateur sera partagé entre la gêne et l'affection. Prendre le parti d'écrire le personnage d'une jeune femme dans la vingtaine, très sexualisée mais dotée de l'âge mental d'une gamine de 8 ans doublée d'un passé que l'on devine sombre des les premiers instants est en effet un choix audacieux de la part du réalisateur.
Ce sont ces choix qui ne sont pas à la portée du premier Joss Whedon venu qui m'ont fait aimer Jeeg Robot.
C'est également ce héros, galérien de Rome vivant de petits trafics qui m'a plu. Doté du jour au lendemain de pouvoirs, ce mec n'est pas le genre à enfiler un costume en lycra et partir faire le guignol devant des centaines de new-yorkais médusés. A la place, on nous propose plutôt un bon gros délit à visage dissimulé. On nous propose des péripéties d'un homme dans la vraie vie, avec ses problèmes et ses injustices.
C'est plus généralement le traitement des codes des films du genre qui fait de ce Jeeg Robot une franche réussite malgré son manque d'originalité scénaristique global. Ici, on a pris de temps de piocher ses références dans la culture du super-héros américain comme japonais, on a fait le choix d'en écarter certaines qui semblaient de trop.
Entre grand banditisme et quête morale, il ne tient qu'à vous de découvrir si Enzo devient un héros mais l'intérêt du film est ailleurs. Et par ces temps troubles de sorties de purges retentissantes made in Marvel/DC que les vrais reconnaîtront sans mal, il fait plaisir à voir ce Super-rital.