Bon... Mais un peu facile
Au milieu des années 2000, She Wants Revenge faisaient leur apparition dans le paysage de la mouvance post new-wave avec un disque éponyme distillant un rock brut au groove sombre, s'imposant comme l'un des piliers de ce nouveau mouvement. En 2007 (soit très peu de temps après), le duo californien nous remettait une grosse claque avec « This is forever », plus travaillé et mélodique. Ils avaient au passage créé leur propre label, « Perfect Kiss » (en hommage à New Order sans doute...). Puis ce fut la séparation avec Geffen, leur maison de disques, suivie de quatre ans d'un calme relatif, troublé par des concerts, la sortie d'un maxi CD inquiétant et une collaboration avec l'infâme Timbaland, qui pouvait faire craindre le pire pour le futur du groupe. Nous voici en tout cas en 2011 et leur « Valleyheart » débarque assez discrètement, bardé d'une pochette marquée par l'absence de l'habituel modèle féminin. L'attente en valait-elle la peine ?
Au premier abord, on pourrait croire que rien n'a vraiment changé ; c'est en tout cas ce que laisse supposer le morceau d'intro, « Take the world », qui possède toutes les caractéristiques de la signature classique de She Wants Revenge, à savoir une ambiance dark associée à un côté électro 80's légèrement dansant. Pour qui les suit depuis le début, il sera donc quasi-impossible de ne pas aimer ce titre. Les choses vont cependant légèrement se compliquer avec le suivant, « Kiss me » ; à partir de là se confirme le gros virage pop sympa, mais sans plus (à quelques exceptions près, comme nous le verrons), manquant parfois de subtilité textuelle et musicale. Ainsi, si le premier couplet de « Kiss me » a de quoi faire rêver, les refrains, plutôt mauvais, font rapidement déchanter ; la « désapothéose » est atteinte durant la dernière minute, avec les « bam bam bam » martelés par Warfield en guise de paroles et des parties de batterie carrément bourrines, faciles, qui auraient bien mérité quelques variations.
Bon, rassurez-vous : cette chanson gâchée est la seule fausse note de cet opus. Une bonne partie des autres lorgnant du côté de la pop (« Up in flames », « Not just a girl », « Holiday song ») n'ont rien d'extraordinaire mais s'écoutent sans accrocs. Dans ce nouveau registre exploré par le groupe se distinguent, par contre, « Must be the one » (le premier single, qui, espérons-le, leur apportera grâce à son potentiel « tubesque » une reconnaissance plus large que celle qu'ils possèdent actuellement) et « Little star ». Voilà deux morceaux que U2 n'auraient certainement pas renié... Et à dire vrai, « Valleyheart », si l'on devait se livrer au jeu des comparaisons, est un peu un mélange de la pop des irlandais et de l'esprit rock de Depeche Mode, que l'on devine surtout dans le son des guitares.
Quid des autres titres ? Il s'agit tout simplement de She Wants Revenge faisant du She Wants Revenge. Sans vouloir tomber dans le cliché du type qui n'accepte pas le changement, il serait hypocrite d'affirmer que ce ne sont pas ceux qui font le plus vibrer, voire qui sauvent ce disque d'une appréciation moyenne. Ce qui parait au final assez logique, puisque c'est ce qu'ils font de mieux. Je ne reviendrai pas sur « Take the world » que j'ai déjà évoqué. Mais à l'autre bout du tracklisting, on trouvera par exemple « Maybe she's right », avec son chant biaisé, sa basse éthérée et ses claviers dramatiques ; en sixième position, « Reasons », bombe rock aux accents funky, émaillée de passage parlés du plus bel effet ; et entre les deux, LA perle dark de ce disque, « Suck it up », tellement réussie qu'elle sort du lot dès la première écoute, se hissant au sommet du podium : groove malsain dans la voix, rythme dément, synthés malades, sensualité moite... Un trésor au cœur de la vallée de San Fernando (car c'est sans doute de celle-ci dont il s'agit).
En résumé, notre duo californien nous propose avec « Valleyheart » un disque un peu inégal, déconcertant au premier abord du fait de la mutation de leur style, mais qui s'apprivoise facilement au fil du temps et finit par devenir vraiment plaisant. Ceci étant dit, certains seront certainement déçus, refroidis par un tel résultat qu'ils considéreront un tantinet léger après quatre ans d'attente. Ils n'auront pas tout à fait tort : cet album, bien que sympathique, reste un brin trop anecdotique, une fois replacé dans son contexte, pour permettre au groupe de rivaliser avec les excellentes productions post new-wave parues entre-temps ; les White Lies, par exemple, leur ont déjà soufflé leur place dans le trio de tête de la mouvance. Disons qu'il aurait été préférable de frapper un peu plus fort que ça.