Ne vous en faites pas : si aux premières notes du disque vous avez l’impression que votre lecteur déconne, c’est normal. Enfin, je sais pas si c’est normal, mais c’est le début du disque qui est comme ça.
Néry est un homme imprévisible, farceur, caustique, inventif, moqueur, tendre, poète, sincère, déchiré, déjanté et profondément humain. Néry est une personnalité complexe et attachante, qui a déjà exploré moult styles sans jamais imiter personne, sans l’ombre d’une concession. Cette pureté créatrice s’exprime dans cette folie, analysée sous toutes ses coutures, comique, tragique, tragi-comique, anecdotique, cette folie humaine, si étonnante, si ridicule souvent, si touchante parfois. Néry est un poète instinctif duquel émanent un tas de choses toujours surprenantes, inattendues et fascinantes.
Alors maintenant, quand je vais vous dire que ce Néry là, c’était le leader des Nonnes Troppo en 1986, trois hommes déguisés en bonnes soeurs, auteurs de trois disques d’anthologie, d’une drôlerie, d’un esprit, d’une originalité et d’une dérision...Avec la sœur guitariste, la sœur percussionniste-sur-carton-ondulé et lui, la sœur contrebassine (une bassine au sol, un manche à balai dessus et une corde tendue entre deux !). Inutile de vous préciser qu’en concert, ça donnait, comme on dit ! Avec présentation des chansons au rétro-projecteur, Dieu en direct (avec son gros accent africain), la croisade en 2CV ...Du véritable délire et des tonnes de rire de bon cœur toutes empreintes de tendresse.
Alors quand je vais vous dire que ce Néry là, c’était le leader des VRP en 1990, groupe mythique sur base de Nonnes Troppo étoffées, qui sortit trois disques, monuments corrosifs, caustiques, délicieusement agressifs parfois, crachant intelligemment, avec beaucoup d’esprit et d’hilarante cruauté sur la médiocrité sous toutes ses formes. Inutile de vous préciser qu’en concert, c’était quelque chose, comme on dit ! Avec projection de films Super8 sans aucun intérêt, transport du corps du chanteur-contrebassinier par la foule, invités branques à profusion... Totalement débridé, excitant, unique.
Le premier album solo de Néry, an 1999, avait pour titre « la vie c’est de la viande qui pense ». Deux CD, carrément. Une œuvre d’art à part entière, plus qu’un disque. Primée par le très sérieux « Grand prix de l’académie Charles Cros », mais pas grand public pour deux sous. Difficile, même ; plein d’ambiances sonores, de musiques, de paroles, d’hommages, de bruitages...Extrêmement personnel, touffu et travaillé.
En 2002, Néry revient avec cet album manifestement construit pour être reproduit sur scène : une série de chansons, des histoires où on reconnaît souvent l’homme qui sommeille en nous, dans ses attitudes ou ses observations.
Un accompagnement simple, au son du direct (piano, violoncelle et Bertrand Belin à la guitare), quelques samples sur certains morceaux et la belle voix grave de Néry, comme lui magnifiquement timbrée. Et on constate rapidement avec beaucoup de plaisir que Néry a fait en sorte de réunir dans Vol Libre un peu de la tendresse des Nonnes, un peu du grinçant des VRP et un peu de la poésie tourmentée de son premier solo. L’amour est présent sous toutes ses formes : il transpire abondamment des chansons, comme il déborde de Néry .
Alors, vous penserez peut être après tout ça que Néry est finalement une sorte de clown des temps modernes. Et je vous répondrai qu’effectivement, il y a un peu de ça.
De ces clowns capables de vous faire passer du rire aux larmes sans qu’on sache toujours pourquoi ni comment un truc drôle nous a fait pleurer et un truc triste rigoler.
Seuls les grands artistes savent faire ça.
Merci, Néry.