Après deux premiers albums solos réussis, voire très réussis (Chasing Yesterday étant franchement emballant), le plus âgé des frères Gallagher (50 ans cette année) revient quelques semaines après le come back improbable de son cadet, Liam. Décidément ! Pour ce Who Built the Moon? ambitieux, Noel aura donc bossé trois ans avec David Holmes (qui, belle ironie, avait refusé de travailler sur Chasing Yesterday), spécialiste de l’électro, des expériences soniques et de bandes originales (dont le récent Logan Lucky de Steven Soderbergh). Pour l’occasion, la méthode va s’avérer radicalement différente de ses habitudes avec un processus créatif concentré à rejeter toute maquette ou idées préalables. Le travail se fera en studio. In vivo. Pour seules inspirations, une pile de disques allant de Marving Gaye à New Order et la volonté de sentiers aventureux, moins rebattus par le guitariste/chanteur.


Évidemment, accompagné sur ce chemin escarpé par les High Flying Birds mais aussi quelques vieilles connaissances (Paul Weller, Johnny Marr mais aussi Gem Archer et Chris Sharrock, ex du projet de son frangin, Beady Eye), notre Noel Gallagher n’efface jamais vraiment son passé qu’il joue toujours sur scène, avec son lot de titres indémodables. Et si Chasing Yesterday tentait, à sa manière, de s’émanciper sans y parvenir complètement, Who Built the Moon? va indéniablement plus loin dans la démarche, à travers un album conceptuel qui enchaîne les styles tout en conservant son équilibre permanent. Rare.


S’il reste amusant de noter la dualité de chacun des albums respectifs des deux Gallagher, opposés dans la vie comme dans la musique, l’un avec des accents nostalgiques d’une britpop qui n’existerait plus que dans les souvenirs, l’autre en puisant dans des influences qui dépassent (enfin) les Beatles, il ne faut pas se cantonner à une histoire de famille. A ce petit jeu, le single « Holy Mountain » enverra l’auditeur sur une fausse piste, mélange improbable de Mott the Hoople et des Beach Boys, quand le reste donnera l’occasion de s’amuser entre interludes instrumentaux planants (« Interlude », « End Credits »), un hommage à Phil Spector (« If Love is the Law »), Blondie (« She Taught Me How to Fly »), T-Rex (« Be Careful What You Wish For ») ou E.L.O. (« The Man Who Built the Moon »). Rien que ça ! L’ensemble est audacieux et pour ainsi dire psychédélique. La démarche n’a rien de nouveau mais pour l’un des chantres de la pop anglaise des eighties (dont on retrouve ici et là quelques ersatz comme « Love is the Law »), cela a au moins le mérite de la sincérité.


Alors que Steven Wilson déclarait il n’y a pas si longtemps regretter que les stars de la pop musique ne sachent plus se renouveler, voire se réinventer, à la manière de Bowie ou de Prince, il est heureux de pouvoir nuancer ce propos. Et si d’aucuns trouveront le résultat hétérogène ou la démarche prétentieuse, il faut reconnaître à Who Built the Moon? cette épatante capacité à jouer de ces influences sans jamais se réduire à celles-ci (« Fort Knox »). Mieux, Noel Gallagher prouve une fois encore son immense talent de songwriter. Doublé d’une production ad ’hoc, cela donne un album foisonnant, espiègle et d’une grande richesse.


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