Si les ruptures devaient avoir un compositeur
Il y a bien longtemps que la nuit n'est plus cette longue apnée solaire.
Elle n'a jamais été ce ballet virevoltant de blanches et de noires, que les romantiques aimaient décrire avec des caractères ampoulés.
Les pointillés des lampadaires ne circonscrivent plus son empire d'une demi-révolution.
Même les couloirs de métro ont été recalés au casting des lieux qui font nuit.
Les temps changent.
La nuit tombe par téléphone. Paradoxalement lorsque l'écran s'allume.
«Trop de choses nous séparent », « Je n'ai plus rien à te dire », « J'ai envie de passer à autre chose », « Il faut qu'on parle ».
La nuit n'est plus le silence des avenues bâillonnées.
Tu es allé en boîte ? Tu as géré une fille comme il faut ? Tu as vomi dans un seau à champagne ? Tu t'es fait raccompagner vers la sortie ? Tes amis t'ont ramenés en vélib' ?
Et tu crois savoir ce qu'est la nuit parce que le flic qui qui t'a verbalisé pour jet de bouteille a griffonné 04h48 sur le papillon retrouvé dans la poche de ton jean le lendemain ?
La nuit a déserté les forêts les plus décharnées pour se réfugier, condensée, compressée, oppressée, à chaque coin de rue.
Il fait véritablement nuit lorsqu'après un long trajet, tu la retrouves au sortir d'une bouche de métro et que tu remarques ses yeux éteints. C'est bien elle qui parle, mais ce n'est plus sa voix. Tu distingues bel et bien un timbre familier, mais comme sortant d'un vieux rip youtube en 32kbps.
Alors tu essaies de lire sur ses lèvres.
Il fait nuit lorsque par fierté, tu pars le premier, sans te retourner, ton poing lézardant au passage la baie d'un abribus. Demain, ta main sera plus grosse que ta peine, mais tu t'en contrefous.
Demain, il fera nuit toute la journée.