A Hero's Death
7.2
A Hero's Death

Album de Fontaines D.C. (2020)

C’est arrivé. Cette bande de joyeux Dublinois qui chantaient, l’an passé : « My childhood was small, but I’m gonna be big ». Retournant leur étiquette post-punk à l’étiqueteuse, ils ont confirmé qu’ils avaient bien plus à offrir que l’exotisme d’un accent irlandais sur une variation un peu plus posée d’Idles.

Si Dogrel avait joué son rôle dans les développements énergiques du post-punk des années 2010, ce deuxième album en joue le contrepoint assombri. C’est une œuvre de pleine maturité, où les références vont puiser jusqu’aux grands prénoms en L du songwriting – Leonard Cohen, Lee Hazlewood, Lou Reed.

L’album peut être grossièrement découpé en une structure ordonnée A-C-C-C-A-B-C-C-C-A-B, où tandis que les C sont la gravité tendue et empressée qui grouille en son cœur, les A et B aux extrémités – considérant qu’un vinyle comporte 2 faces et donc 4 extrémités – sont une gravité apaisée et lumineuse.

Les A, c’est-à-dire « I Don’t Belong », « You Said » et « Sunny », représentent un magnifique triptyque de ballades d’un genre nouveau : la « ballade indie post-punk », bien rythmée mais un peu pataude, joliment fignolée mais jamais à l’abri d’une saillie de guitare électrique qui vient apporter un semblant de dissonance.

Les B, à savoir « Oh Such a Spring » et « No », sont les chansons de fin de face qui assument plus clairement leur fonction de berceuses néo-folk réverbérées. Le tempo y est très lent ou brouillé, la nostalgie s'y présente dans un phrasé simple et articulé – « I wish I could go back to spring again »

La magie des A et des B nous fait voir des mirages : les Beach Boys passant l’été enfermés dans une grotte, Liam Gallagher rejoignant Radiohead sur scène. Car quoi que l'on pense de la Britpop, force est de reconnaître la filiation, qui sera encore plus criante deux ans plus tard avec « Jackie Down the Line ».

Les C enfin, qui s'enchaînent par 3 sur chaque face comme vous l’avez observé, s'abreuvent de la fièvre industrielle du post-punk années 1970 façon Bauhaus ou Public Image Ltd. Course en apnée sur « Televised Mind » et « A Lucid Dream », confinement vaillant sur « Love is the Main Thing » et « Living in America ».

Fontaines D.C., des C, a même extrait le décès. L'éclatant et nietzschéen "A Hero's Death", exhortation à vivre sa vie avec bravoure, passion et sincérité, vaut son pesant en livres de développement personnel. Le flux de paroles de Grian Chatten y atteint ses paroxysmes de liberté et d’expressivité.

Si les sautillements velvétiens d’un « I Was Not Born » paraissent rassurants en comparaison du reste, c’est que l’on tient en cet album une œuvre profonde. Bouillante comme le noyau terrestre, et en même temps vive comme l’air, elle tire sa beauté des fonds de joie et d’insouciance qui lui restent.

Créée

le 11 juin 2023

Critique lue 36 fois

Critique lue 36 fois

D'autres avis sur A Hero's Death

A Hero's Death
MonsieurScalp
8

Il ne faudrait jamais dire "Fontaines, je n'écouterai pas ton rock".

Il y a ce sentiment d'avoir tout vu, tout entendu, d'avoir fait le tour de ce qui existe et de ce qui a déjà été fait sur la planète rock en général, que la curiosité s'en trouverait altérée au bout...

le 16 août 2020

3 j'aime

3

A Hero's Death
BenoitRichard
8

un disque chargé en électricité

Gros succès de l’année 2019, Dogrel, le premier album de Fontaines D.C. mettait en avant qui un groupe très prometteur. Mais sans doute trop respectueux de ses grosses influences britanniques,...

le 3 août 2020

3 j'aime

A Hero's Death
XavierChan
8

Critique de A Hero's Death par XavierChan

En convoquant les fantômes du passé, et quel passé, le Velvet et Lou Reed, The Fall, Joy Division, Iggy, et peut-être d'autres assurément avec un accent bien à eux, Fontaines D.C trouve sa voie,...

il y a 10 heures

2 j'aime

Du même critique

Starless
Kantien_Mackenzie
10

And the sign signals emptiness for me...

Si vous cherchez des réponses à des questions telles que… Pourquoi dit-on que l’Angleterre l’emporte largement sur la France dans le domaine du rock ? A quoi reconnaît-on une écriture surréaliste...

le 11 avr. 2015

48 j'aime

5

Rubber Soul
Kantien_Mackenzie
10

Introspection, psychédélisme et émancipation

1965 est une année décisive en musique, en particulier pour un quatuor déjà mythique qui livre en quelques mois d’intervalle deux de ses plus grandes pièces. Si Help! était le sommet de ce que John...

le 11 mai 2014

27 j'aime

1

Atom Heart Mother
Kantien_Mackenzie
9

Du psychédélisme au rock progressif

Tout le monde sait que Pink Floyd a réalisé "l'album à la vache", mais le contenu exact de cet album est injustement méconnu. Pourtant, c'est l'une des pierres angulaires du rock progressif,...

le 11 mai 2014

26 j'aime

1