Critique de A New Tomorrow par marjorie11
Un mélange qui gagnerait à être plus finement mixé, haché, bordelisé peut-être. Trop d'interludes tue l'interlude, trop de samples tue le sample
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le 6 nov. 2024
L'ascension de Zulu dans la scène hardcore est fascinante pour de nombreuses raisons. D'une part, parce que le groupe représente une frange vite oubliée et permet de replacer les personnes afro-descendantes dans le paysage hardcore et, d'autre part, parce que cette accession à une audience plus large ne s'est jamais faite au détriment de la radicalité musicale du groupe. Zulu ne fait pas du hardcore accomodant, autant musicalement que politiquement.
« You wouldn't be here if it wasn't for us [...] We've been here / And we ain't going nowhere »
« Vous ne seriez pas ici sans nous [...] Nous avons été ici et nous ne partirons nulle part ailleurs »
(« Where I'm From »)
On retrouve dans A New Tomorrow tout ce qui faisait le sel des deux premiers EPs (retrouvez d'ailleurs ma chronique du second juste ici) avec un metalcore sourd et batailleur dont la vitesse et le chant guttural rappelle souvent la powerviolence. En revanche, on pourra vite être désarçonné par la structure de l'album, avec des morceaux de durées très variables, des changements d'ambiance permanents et beaucoup de samples qui peuvent parfois perturber la dynamique de l'agressivité.
Les samples ont toujours fait partie de l'identité de Zulu et participent à cette culture de la référence et de l'hommage à la diversité des cultures afro-américaines. Pêle-mêle, on y retrouve Curtis Mayfield sur « Music to Driveby », Nina Simone sur « Lyfe Az a Shorty Shun B so Ruff », Freddie McGregor sur « Our Day Is Now » ou bien encore une reprise de « Small Axe » des Wailers pour conclure l'album. Les featurings participent à la même démarche militante communautaire de visibilisation des revendications afro et de leurs porte-paroles dans la scène hardcore. Sur « Where I'm From » on peut entendre le talent de Pierce Jordan de Soul Glo et Obioma Ugonna de Playytime, et c'est Bryanna Bennett de Buggin qui apparaît à la fin de « We're More Than This ». Le point culminant du discours Zulu se trouve sur « Crème de Cassis » où la poétesse Aleisia Miller, déjà présente sur l'EP précédent, déclame un texte poignant sur la rhétorique de la douleur dans l'activisme noir américain :
« Why must I only share our struggle, when our blackness is so much more [...] Why must I only retell our pain when strength is the blue of our veins »
« Pourquoi ne devons-nous partager que nos difficultés quand notre "blackness" est tellement davantage [...] Pourquoi dois-je seulement répéter notre douleur quand la force coule dans notre sang »
Bien qu'extra-musicaux, tous ces éléments permettent aux compositions de Zulu de résonner d'un fier et inspirant écho. La brutalité de morceaux nerveux comme « Our Day Is Now » ou du final « Who Jah Bless, No One Curse » s'en retrouve magnifiée. Toutefois, la portée et le poids de ces discours auraient peut-être mérité davantage de temps et de consistance. En l'état, le disque est souvent partagé entre deux énergies complémentaires mais inégales et l'élan d'un morceau se retrouve vite interrompu par la piste suivante. 28 minutes semblent parfois trop courtes pour concilier des morceaux efficaces et autant d'extraits, aussi parlants soient-ils.
Cette place réduite accordée au metalcore est d'autant plus dommage que lorsqu'on peut en entendre, les bonnes idées sont nombreuses. Les riffs notamment recèlent de plans habiles et assassins, comme sur « Fakin' tha Funk (You Get Did) ». Le groupe n'hésite pas à recourir aux breaks bien lourdingues, notamment avec « Lyfe Az a Shorty Shun B so Ruff » et le chant acerbe d'Anaiah Lei fonctionne mieux qu'une bonne partie des chants tough des groupes similaires. Même quand Zulu s'essaie à un morceau au tempo plus lent, plus atmosphérique que ses habituels explosions de rage, avec « From tha Gods to Earth », la sauce prend et le decrescendo remplit ses objectifs. J'aurais davantage vu ce morceau comme clôture de l'album car l'enchaînement avec le discours d'Aleisia Miller donne l'impression d'une conclusion naturelle. Sauf que cette suite se retrouve contrecarrée par « We're More Than This », sorte d'interlude jazz rap (même si convaincant dans le style), puis par la grande déflagration de « 52 Fatal Strikes ».
A New Tomorrow va très sûrement placer Zulu plus haut sur les affiches et cette exposition est amplement méritée. Néanmoins, après la puissance et la maturité des deux premiers EPs on aurait pu attendre davantage de ce premier disque qui peine à trouver son rythme et sa consistance.
Créée
le 2 oct. 2023
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