Il y a parfois des évènements qui perturbent la vie d’un homme et parallèlement, sa musique. Le cas de Nick Thorburn est un de ceux-là: un déménagement et un désastre amoureux plus tard, le canadien (et sa troupe) revient avec un nouveau disque dans son sac, et pas n’importe lequel. On est loin de ce à quoi Islands nous avez habitués. Finie la folie pop multi-instrumentale, le bric-à-brac ou les orchestrations épiques entendues sur les précédents disques. Uniquement composées au piano, enregistrées en quinze jours, voilà onze chansons plutôt simples, élégantes et douces. Une tranquille traversée dans un univers apaisé où règne une atmosphère définitivement chaleureuse composant l’album le plus sobre et le plus calme du groupe jusqu’à présent. Thorburn ne cache plus ses douleurs derrière l’humour. Pas non plus dans une veine déprimante, il nous transmet une jolie mélancolie, jouant la confession. A travers des thèmes comme la lutte, l’échec, la renaissance, il se livre, amenant son groupe sur un terrain original que la pop a trop souvent tendance à oublier: aller au-delà des clichés, imposer une vraie recherche et une véritable poésie dans les paroles.Chaque chanson est à sa place, sa voix passionnelle appuie ses mots avec une volupté telle qu’on s’y accroche malgré nous, rendant le tout assez addictif. Le charme avance et ne rompt pas. Petit à petit, les mélodies font mouche: piano, choeurs et guitares discrètes épaulés par une batterie aux rythmes simples et désinvoltes se mélangent et offrent quelques balades soyeuses (”No Crying”, “This Is Not A Song”), on reste pop avec d’autres sonorités, synthés vintage, piano à la limite du kitch, toutefois séduisant (”Never Go Solo”, “Can’t Feel My Face”) avant d’atteindre un pic de perfection mélodique, “Lonely Love” et son chant incroyable. Thorburn reste efficace autant sur des titres plus dépouillés instrumentalement (”Oh Maria”) que lorsque le tempo s’accélère (”Can’t Feel My Face”, “Hallways”). L’album se termine sur un “Same Thing” plus sombre, mêlant nostalgie et espoir, qui offre une belle conclusion à cet album.“A Sleep And A Forgetting”, on dort et on oublie pour mieux rebondir. Nick Thorburn et ses acolytes réussissent une bonne opération en prouvant qu’il peut être bon de se détacher de ses précédents, de chambouler ses habitudes. La prise de risque peut être dangereuse quand elle n’est pas maitrisée, c’est tout le contraire ici. La classe. (mowno)
Une rupture et un changement de fuseau horaire, c’est bien chamboulé que Nick Thorburn fait son entrée dans le club des trentenaires. Mais avec un grand disque sous le bras. Désormais sis à Los Angeles après avoir quitté New York et un amour éteint, le Canadien fantasque a trouvé refuge auprès d’un piano, sur lequel il a composé les onze chansons de A Sleep & A Forgetting, les plus douces jamais enregistrées par Islands, qui nous avait jusque-là plutôt habitué à la marrade multi-instrumentée. Enregistré en une quinzaine de jours, ce quatrième album respire la simplicité, joue ses mélodies sur des tempos calmes et des arrangements soyeux. Pas vraiment de déprime pour autant, plutôt une mélancolie apaisée et rêveuse qui infuse chaque chanson, quelque chose d’enveloppant et chaleureux. Rythmique légèrement chaloupée, guitare rythmique discrète, piano et chœurs, In A Dream It Seemed Real imprime d’emblée une vraie élégance, jamais démentie au fil d’une grosse demi-heure parfaite. Ballades décontractées (orgue et cordes sur la somptueuse This Is Not A Song, guitare surannée sur No Crying) et étincelles pop (claviers roulants des imparables Never Go Solo, Hallways et Can’t Feel My Face) côtoient des chansons moins vaillantes (la sombre Don’t I Love You). L’air de rien, en capsules de trois minutes, l’écriture de Nick Thorburn atteint des niveaux assez sidérants, notamment sur Lonely Love, où son chant a rarement été si vibrant. Same Thing offre une conclusion étonnamment résignée à ce beau disque de rupture, ballade endolorie au pouls puissant, qui accepte la banalité du dépit amoureux, l’entend dans les chansons à la radio, mais revient à un questionnement plus intime, tendu vers l’avenir avec inquiétude : “I can't wait to see what becomes of me/The ease with which I sleep tends to frighten me”. (magic)
Une fois de plus, le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est en effet en plein tourment consécutif à une rupture compliquée que Nick Thorburn a envisagé ce quatrième album d’Islands. Mais alors que l’on pouvait craindre le résultat de cette transcription en musique des déboires sentimentaux du génial Canadien (le syndrome Sea Change de Beck), le résultat est un bonheur insoupçonné qui signe la renaissance d’un groupe que nous avions sans doute eu tort de délaisser depuis quelques temps. Une séparation donc, un déménagement aussi, de New York à Los Angeles. Et enfin, la découverte d’un piano, sur lequel le garçon aura composé des chansons certes puissamment mélancoliques, mais pas seulement ("No Crying", comme s’il lui fallait s’en persuader à tout prix). Le décor est planté, en route pour un peu plus d’une demie-heure en état de grâce, le cœur gros et la gorge serrée."Open up your door for me, and let me in". C’est sur ces mots que débute A Sleep & A Forgetting. Comme si Thorburn ressentait le besoin de demander à l’auditeur de lui accorder un peu de temps, un peu d’attention. Ce sera chose faite dès le single "This Is Not A Song", slow langoureux qui assume avec élégance son côté tire-larmes, et donne le ton d’un disque certes introspectif et solennel, mais qui n’oublie jamais d’être accessible et constructif. Car même avec le moral au fond des chaussettes, la troupe conserve intact ce don pour les compositions pop azimutées et les mélodies ascensionnelles qui ont toujours fait sa particularité ("Never Go Solo", "Hallways"). Signe évident d’une maturité artistique nouvelle, Thorburn parvient toutefois aujourd’hui beaucoup mieux qu’hier à tempérer ses élans frénétiques. Ce côté plus réfléchi lui permet d’assumer pleinement sa vulnérabilité, à l’image de "No Crying" ou "Lonely Love", servis par une voix dont on ne soupçonnait pas qu’elle puisse un jour bouleverser ainsi. Notre homme souhaitant sans doute se retirer en nous remerciant d’avoir partagé ses douloureuses confessions, il clôt notre rencontre par un doublé gagnant, que parcourt un frisson ininterrompu. "Don’t I Love You" chasse avec bonheur sur les terres majestueuses du grand Richard Hawley avant que l’électronique minimale de "Same Thing" ne se fasse une dernière fois l’écho du chagrin qui aura inspiré ce grand disque troublé. Habitué aux changements de rythme comme aux changements d’humeur, l’insaisissable Nick Thorburn nous avait déjà exposé par le passé de multiples facettes de son écriture protéiforme. Du psychédélisme buissonnier, tendance Elephant 6, des séminaux Unicorns au curieux épisode Mister Heavenly, le parcours du songwriter était déjà riche de quelques réussites notoires. Si elle n’est pas la plus spectaculaire à première vue, cette dernière réinvention en date est pourtant, à n’en pas douter, la plus importante d’une carrière décidément exemplaire. (pinkushion)