Il est des groupes qu'on connait de nom depuis presque quinze ans et pour des raisons inavouables vous les zappez délibérément, tout du moins en 1995 pour l'exemple qui nous intéresse. Ainsi vous attendez votre trente et unième anniversaire pour vous plonger à corps perdu dans une musique qui bizarrement devrait vous rappeler votre adolescence... alors qu'en fait pas du tout. Ainsi contrairement à d'autres, la nostalgie inhérente à la musique de nos jeunes années cède sa place à un sentiment de rendez-vous manqué, pire de gâchis.
Comme je le laisse prétendre plus ou moins implicitement depuis le début de mes "errances culturelles et autres divagations ", et ceci malgré la génération à laquelle j'appartiens, je n'ai aucune nostalgie concernant le rock des 90's (au sens large je précise): la britpop m'ennuyait pour rester poli, pas suffisamment en marge pour prendre en marche la révolution extrémiste du black metal et dans le cas qui nous intéresse, pour le supposé mouvement grunge, j'ai de nouveau attendu presque dix ans après la sortie de Dirt pour enfin découvrir LE groupe qui me réconcilierait avec la dite scène de Seattle: Alice in Chains.
Et Mad Season dans cette histoire? Pour les retardataires, MS n'est autre qu'un projet regroupant différents membres de la scène de Seattle, à savoir Layne Staley chanteur d'Alice in Chains, le guitariste Mike McCready de Pearl Jam, le bassiste John Baker Saunders des Walkabouts et enfin deux membres des Screaming Trees, le batteur Barrett Martin et le chanteur Mark Lanegan en guise d'invité. En somme, on a vite fait de présenter Mad Season comme un supergroupe du fait de la présence de Staley et McCready. Pourtant, est-ce suffisant pour susciter un quelconque intérêt? Le passé nous ayant prouvé que la plupart des supergroupes rock ressemblaient avant tout dans le meilleur des cas à un joli pétard mouillé et dans le pire des cas à une entreprise nauséabonde à but très lucratif...
Ainsi pendant la finalisation du Vitalogy des (sinistres) Pearl Jam, notre joli monde se retrouve au Bad Animals studio de Seattle quant à la mise en oeuvre de l'album prénommé Above. Premier point, la composition et l'enregistrement n'ont guère trainé... ce qui reste en accord avec le principe de l'urgence dans le rock, qui plus est lorsqu'il s'agit d'un side-project. Second point, musicalement, à quoi doit on s'attendre? Un mix entre Alice et Pearl Jam?
La facilité aurait été en effet de nous concocter un savant mélange entre ces deux cadors, sauf que rien n'est aussi simple. Certes, retrouver les ambiances poisseuses d'Alice avec le rock de PJ aurait pu émoustiller certains, d'autant plus que cette fois-ci nous évitions les vocalises daubesques du charismatico-atrophié Eddie Vedder... Mais sachant que le véritable songwriter d'Alice n'est autre que le blond Jerry Cantrell, il faudra chercher autre part. Finalement, les musiciens de Mad Season s'éloignent de leurs groupes respectifs. Et en tout bon side-project, la musique de MS reflète parfaitement les ambiances jammantes, nostalgiques et amicales qui ont découlé de cette réunion. Staley, McCready and co nous servent ainsi un rock varié où le rock 70's d'un Led Zeppelin ou d'un Black Sabbath côtoie des ambiances beaucoup plus introspectives, minimalistes voire méditatives, à la fois proche du blues et d'une certaine forme de psychédélisme. Un album qui du fait de sa fluidité fait écho à l'EP qu'avait sorti une année auparavant Alice in Chains, l'excellent Jar of Flies. Vocalement, Above est proche de la perfection, un Layne Staley plus posé nous offrant à mon avis sa meilleure performance, épaulé sur deux titres par un Mark Lanegan toujours aussi efficace.
Au final un album certes sombre, parfois dramatique mais en aucun cas anecdotique.
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2009/03/seattle-supergroup.html