Absolutely
7.8
Absolutely

Album de Dijon (2021)

Dès ses débuts en tant que moitié du duo Abhi//Dijon, Dijon Duenas s'est amusé à effacer les frontières entre différents genres musicaux pour n'en revendiquer, à l'arrivée, aucun. Rapidement qualifiée de R&B alternatif à cause d'une liberté créative, de productions non-linéaires et d'une mélancolie ambiante qui a souvent valu à l'artiste de Baltimore d'être comparé à Frank Ocean, la musique de Dijon se rapproche tout autant de la folk ou du rock alternatif, s'aventurant même vers la country, la soul et l'Americana. Il a cultivé ce style unique tout en s'émancipant de toute revendication de genre précis à travers plusieurs EPs et singles qui ont au fur et à mesure révélé ce qui faisait de Dijon un musicien unique : l'atmosphère particulière qui habite ses compositions et l'impossibilité de l'enfermer dans une case.


Attendu depuis de nombreuses années, son premier album solo, Absolutely, conserve l'absence de linéarité ou de structure définie qui est caractéristique de l'esthétique musicale qu'a développée Dijon jusqu'à aujourd'hui. Manifestement plus instinctif que réfléchi, Absolutely est principalement l'œuvre de bœufs entre amis – sessions qui ont d'ailleurs été reconstituées dans un film qui accompagne l'album. Dès la piste d'ouverture, "Big Mike's", une spontanéité est palpable dans la performance vocale de Dijon, ses textes qui répètent souvent une phrase ou une idée jusqu'à atteindre un point culminant (c'est particulièrement le cas sur "Annie" et "Talk Down"), les instrumentations qui montent petit à petit en intensité et l'impression que chaque musicien se nourrit de l'énergie de ses acolytes.


Complètement improvisée comme un bon nombre des chansons présentes ici, "Big Mike's" encapsule bien le charme de Absolutely. Tout comme sa piste d'ouverture, c'est un album un peu étrange à la première écoute car il contient peu de morceaux "conventionnels" auxquels se raccrocher ("The Dress" et dans une certaine mesure "Many Times"). Ceux-ci sont tellement bien intégrés au sein des "freestyles" inspirés de Dijon et ses musiciens – certains sont plus des motifs que des chansons à proprement parler – qu'ils perdent de l'efficacité qui aurait pu les démarquer pour servir une œuvre globale.


Du fait de l'aspect très instinctif de Absolutely et de son refus de proposer toute linéarité qui permettrait de mieux appréhender les chansons qui le composent, ce premier album de Dijon n'est pas un travail qui fait de l'instantanéité des morceaux une force, quitte à dérouter l'auditeur. C'est un disque qui nécessite – et mérite – d'être écouté plusieurs fois et de se laisser prendre au jeu de cette "jam session" par moments endiablée et à d'autres songeuse. Appréhendé ainsi, Absolutely se révèle alors être une véritable pépite.


Les improvisations d'une grande partie du disque et ses moments dépouillés ("Noah's Highlight Reel", "Annie") offrent à Dijon la possibilité de s'exprimer librement et donnent alors lieu à des explosions de voix et d'émotions intenses et poignantes. Et même lorsque le chanteur semble hurler et exorciser sa douleur ("Many Times", "Rodeo Clown"), il donne l'impression de prendre un certain plaisir à le faire.


Quand il s'applique à produire des morceaux plus travaillés et médités, il sample le mythique "Think (About It)" de Lyn Collins ("Talk Down") ou compose une ballade R&B planante et romantique ("The Dress") avec une facilité presque déconcertante au vu de l'aspect très brut et rugueux du reste de l'album. Pour clore Absolutely en beauté, il nous livre sa meilleure imitation de David Byrne ou Bruce Springsteen – ou un mélange des deux ? – sur un générique de fin ("Credits!") trop court qui nous donne juste envie d'en entendre encore un peu plus de la part de Dijon. Ce qui est, en soi, plutôt une bonne chose pour un premier album !


Score : 8.2
Key tracks : "The Dress", "Many Times", "Rodeo Clown"

killyourdarlings
8

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Créée

le 23 janv. 2022

Critique lue 66 fois

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Keith Morrison

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