Les Mothers of Invention, catapultées vers de nouveaux cieux cosmiques par leur leader Frank Zappa, enregistrent avec Absolutely Free une suite plus décousue, hilarante et bricolée à Freak Out! qui avait comme ligne directrice la parodie d'une certaine idée de la musique populaire américaine des années 50 et 60.
Absolutely Free serait alors son pendant pop art, où l'art du collage et du phrasé décousus seraient la véritable signature artistique du disque, alternant pochades hallucinantes (The Duke Regains His Chops), morceaux de bravoures acides (Invocation and Ritual...) avec une logique artistique absolue. L'art de Frank Zappa est de construire en déconstruisant sa musique, en jouant avec ses musiciens comme un chef d'orchestre fou, alternant les arpèges virtuoses (déjà) et les riffs de guitare aux textures fabuleuses (l'introduction de Soft-Sell Conclusion) tout en se moquant de loin, toujours, des Etats-Unis, des groupes de rock, de la société de consommation. Only in America. Refusant toute défonce en live, Zappa et les Mothers of Invention vous feront aussi la promotion des légumes. Big Leg Emma aurait très bien pu figurer sur le Sergent Peppers des Beatles, America Drinks dans un cartoon ou Why Don'tcha Do Me Right un titre signé Hendrix et les Troggs. La liste est longue, surtout avec l'épopée Brown Shoes Don't Make It.
Personne ne le savait à l'époque, sauf peut-être l’inénarrable Tom Wilson et quelques gentils marginaux, mais Absolutely Free allait annoncer 30 ans de carrière et 60 albums officiels ayant pour leitmotiv cette liberté si compliquée à trouver et à garder peu importe les charts.