Giga prog

J’aime le heavy metal, Black Sabbath, c’est génial ! Tiens, pas mal ce clavier sur Sabbra Cadabra, qui est-ce qui joue ? Rick Wakeman…qu’est-ce qu’il a fait d’autre ? Yes. Je vais écouter. Bordel c’est énorme ! C’est ça, le prog ?! Je veux en entendre plus ! Quels sont les pointures du genre ? ELP, Genesis, King Crimson, Gentle Giant…j’ai tout ça à découvrir !

C’est comme ça que j’ai laissé l’album Acquiring the Taste caresser mes oreilles pour la première fois, et moi qui réclamait du prog, j’ai été servi avec l’audace et la créativité musicale de Gentle Giant, groupe purement prog par sa façon de repousser les limites du genre avec leurs expérimentations.

Les harmonies vocales, les structures complexes et la voix bien particulière de Derek Shulman instaurent déjà l’identité du groupe. En plus, ils chantent sur Rabelais, donc ils ont toute ma sympathie.

L’atmosphère est plutôt captivante, on a des morceaux remplis de textures sonores variées et de changements de rythme, mais aussi, prog oblige, de longues parties instrumentales qui arriveront à leur pinacle avec l’album Octopus, et toucheront la grâce avec leur album live.

Wreck est plus rentre-dedans, Edge of Twilight et The Moon is Down offrent plus de douceur et de calme (d’un point de vue prog), Pantagruel’s Nativity oscille parfaitement entre tranquilité et inquiétude, avec cette guitare tranchante qui vient casser subtilement le chant clair et apporter une ambiance saisissante.

Mais la palme revient au titanesque The House, The Street, The Room, avec sa basse menaçante, sa guitare terrifiante, ce son glauque et perturbant qui se voit sublimé par la voix de Shulman. Puis vient, inopinément, une petite mélodie guillerette, candide, limite enfantine, soutenue baroquement par les divers instruments, jusqu’à ce que le déboule le monstre absolu, annoncé pat une rupture totale de la petite mélodie.

Le clavier reprend le riff de guitare glauque en l’intensifiant encore plus, on suffoque, et c’est le solo de guitare qui vient nous saisir l’âme pour nous enfoncer en plein cauchemar. Le solo est comme un parasite qui dévore l’âme jusqu’à la folie, il a ce grain de malaise captivant qui nous empoigne le cœur, et comme si ça suffisait pas, le clavier se veut de plus en plus fort, de plus en plus menaçant, comme le plaisir d’un sadique qui exprime sa joie en nous voyant souffrir. La note finale du solo se fond pour un retour aux couplets classiques, mais l’auditeur est en transe, il demande ce qu’il vient de se passer.

J’adore me retrouver abasourdi comme ça, surtout que la chanson s’achève avec le retour de la petite musique guillerette, et la chanson s’achève sans que l’on sache pourquoi on est tant perturbé (à la première écoute). Un morceau colossal et un de mes solos préférés toute musique confondue, facilement dans les trois premiers. Extraordinaire.

Acquiring the Taste est un album exigeant qui nécessite une écoute attentive pour apprécier pleinement sa richesse et sa diversité. Évidemment, il faut être ouvert aux expérimentations inhérentes au prog, je pense que le tout-venant pourrait vite être désarçonné par ce que propose Gentle Giant. Un bon album, sublimé par la claque immense qu’est The House, The Street, The Room.