Adam and Eve
6.1
Adam and Eve

Album de Catherine Wheel (1997)

Gloubi boulga d’influences pour un résultat raté

A force de jongler avec ses influences, on finit par se perdre et à ne plus ressembler à rien.


Catherine Wheel s’est perdu. Ils voulaient mettre en avant le fait qu’ils aimaient le rock qui tapait dur, celui qui fait planer tel le shoegaze et le space rock de Pink Floyd (cette pochette, plus prog que ça tu meurs, étant imaginée par Storm Thorgerson et qui s’occupait déjà de celles des disques précédents) et la pop mélancolique de Talk Talk (Tim Friese-Greene faisant une nouvelle fois une apparition au piano et à l’orgue).
Une formule casse-gueule sur le papier mais qui aura fonctionné en l’espace de trois albums. Même sur le controversé Happy Days qui avait tendance à perdre les pédales au point de se planter sur quelques plages bien précises.


Puis est venu le temps de la crédibilité pour les Anglais. Celui où on pourrait enfin les prendre au sérieux et pas comme de simples opportunistes qui ont pris le wagon du shoegaze au bon moment. Quand bien même ils ont écrit une des plus belles pages du rock de leur époque. Et le meilleur moyen de se faire remarquer autrement que par les fans de rock, c’est de mettre en avant ses paroles et son ambition.


Adam and Eve est une cassure. Une rupture similaire à celle que symbolisait le Carnival of Light de Ride : la fin d’une époque et le début d’un déclin. Il sent l’amour du travail bien fait bien entendu. Catherine Wheel ne peut pas être pris en défaut sur cet aspect. Mais vouloir bien faire ne veut pas dire que le résultat sera obligatoirement bon. Passée une introduction country à l’intérêt plus que discutable, on arrive à « Future Boy » qui nous endort dès ses premières secondes… Avant qu’une zébrure électrique nous sorte du coma. Rob Dickinson déclame sa mélancolie lunaire tendrement… Tellement qu’on finit par trouver ça très ennuyeux. Rob a décidé de se prendre pour un super parolier et semble vouloir à tout prix faire passer ses écrits aux dépens de la musique, ce qui donne… Un Elliott Smith du pauvre. Un premier contact pour le moins inquiétant mais qu’on oublie vite face à l’enchaînement des trois prochains morceaux. Le meilleur moment de cette sortie.


« Delicious » renoue avec une rafale d’énergie rock rassurante (sacré refrain) et la relative grandiloquence de « Phantom Of The American Mother » s’apprécie grâce à une mélodie difficilement oubliable. Le sommet incontestable reste toutefois « Broken Nose », seul titre pouvant être réellement qualifié de shoegaze. Grâce à une interprétation au top de la part de Rob, une mélodie obsédante, des paroles décrivant avec lucidité la situation du groupe et un mur de son enveloppant, il s’agit d’une de leurs meilleures compositions.


Une quinzaine de minutes de bonheur et qui constituera le seul motif de réjouissance de ce disque. Par la suite, les longs moments d’ennui se succèdent avec seulement quelques passages pouvant suscitant l’intérêt. Aucune chanson n’étant vraiment réussie de bout en bout.


A force de chercher à plaire à un public plus "adulte", la formation s’est mélodiquement ratatinée. Alignant les beaux sentiments d’une banalité navrante (le rock FM « Satellite ») et les regards trop appuyés vers le Floyd (« Goodbye » et sa guitare à la GILMOUR, « For Dreaming ») au point que l’écoute en devient pénible. Quelque part, c’est le pop rock de Coldplay qui se définit ici. Une musique saupoudrée d’émotion plastifiée et de mélodies plates.


Même quand les Britanniques s’aventurent de nouveau sur le terrain du lyrisme, c’est une catastrophe. Les chœurs gluants de « Goodbye » rendent la prestation de Rob embarrassante et très proche de ce que commet son cousin Bruce habituellement. Il n’y a guère que le refrain de « For Dreaming » qui émerge de ce marasme. Mais la composition tient difficilement sur ses deux pattes car trop verbeuse.


Je n’ai pas encore évoqué le cas de « Ma Solituda », chanson souvent citée comme étant une des préférées des fans. Un refrain marquant, il est vrai… Mais bien trop mielleux pour être honnête et ses couplets sont également oubliables. Il est probable que cette ballade soit très bien pour faire mouiller les pucelles. Toutefois, pour l’amateur qui a vibré en compagnie de l’émotion frissonnante d’un « Fripp » ou d’un « Heal », tout cela sonne bien superficiel.


Les instants faibles d’Happy Days démontraient que Catherine Wheel ne pouvait pas éviter certains pièges. Adam And Eve saute dedans à pieds joints et avec la certitude du bon choix accompli. Hélas, si ce quatuor méritait effectivement une revanche sur le coup du sort qui n’en a jamais fait une bande plus importante qu’un second couteau, c’est à force de se chercher une légitimité sur leur place dans la musique qu’ils ont perdu toute saveur.


Comme le dit l'adage, "l’enfer est pavé de bonnes intentions".


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
4
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le 28 oct. 2015

Critique lue 75 fois

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