The devil's cousin

Après presque 3 ans d'attente, Joyner Lucas nous délivre enfin son premier album studio, ADHD. Réalisé en indépendant, Joyner n'a pas hésité à bombarder le public avec pas moins de 9 singles précédant la sortie de son album. Le but étant de garder sa fan base intact avant, ce que lui-même a décris comme, le grand saut. On sait que Joyner est l'un des rappeurs les plus créatifs et innovants à l'heure actuelle, mais il restait à prouver s'il était capable de conserver un concept ou au moins un thème à travers un album entier.
Ce n'est pas une surprise que l'album soit centré autour de la condition de Joyner, appelé en anglais ADHD (trouble de l'attention et de la concentration, parfois avec hyperactivité). Il a déjà évoqué ce sujet dans certains interviews, disant qu'il était mis à l'écart et traité différemment par le système scolaire, les médecins et même sa propre famille. Cette frustration, voire paranoïa se reflète très bien dans certains morceaux de l'album.
On comprend très vite que ce n'est pas sa condition qui l'a pénalisé mais bien comment les autres la percevait. Les skits en évaluation psychologique le montre de façon un peu exagérée mais permettent de faire passer le message.
C'est dans le morceau ADHD que Joyner traite de sa condition de la façon la plus pertinente. Il explique son sentiment de paranoïa et de solitude. Dès lors, son succès dans le hip-hop lui appartient. Il ne doit rien à personne et le fait remarquer de façon brutale dans Isis ou il dit "my family looking at me like a cash cow" ou encore dans I lied (intro) "Maybe my family is upset cause I made it, Cause no one expected that I would be famous, And just cause we blood, don't mean we're related".
L'album fait beaucoup référence à la condition de Joyner Lucas mais est avant tout une appréciation de la réussite d'un mec qui n'avait pas les armes pour s'en sortir. Le dernier morceau Broke and Stupid le démontre très bien à travers son intro qui dit qu'être fauché et stupide est plus ou moins le pire départ que l'on pourrait faire dans la vie. Joyner y décris son ascension en partant de très loin, son ton et la production étant parfaitement en accord avec son propos. Il règne une certaine sérénité dans cette track. On sent ici que le rappeur regarde derrière lui avec soulagement.

On peut donc conclure que Joyner est parvenu à poser un thème à son album et à le traiter à travers différentes perspectives, ce qui corresponds probablement à différent moment de sa vie.
Cependant, Joyner Lucas est avant tout un rappeur qui a des idées et des concepts très innovants. Son album contient également quelques tracks de ce type, comme Devil's work, ou le rappeur s'adresse directement à Dieu afin de faire part de son impuissance et son désarroi face aux tragédies du monde. Affectés par la mort de Nipsey Hussle, Joyner Lucas nous emmène au travers des différentes étapes d'un deuil en commençant par l'incompréhension, la colère et finalement l'acceptation. A nouveau, son ton et l'instru suivent parfaitement ce cheminement au travers des émotions et rendent d'autant plus crédibles les sentiments éprouvés par Joyner.
Un autre morceau concept est l'hommage rendu à Will Smith dans Will, dernier single avant la sortie de l'album. Joyner Lucas montre toute son admiration pour Will Smith et réalise qu'il faut remercier nos héros/idoles tant qu'ils sont encore là, "And we never know just when it's our time, The legends are gone and don't know why, So before they go, look here go a toast, So give em a rose while they still alive". On comprend ici que Will Smith est son idole et qu'il l'a inspiré à croire en lui. C'est un hommage très réussi, sans rien attendre en retour. A noter que ce morceau est le seul non explicit de l'album. A nouveau un bel rendu à Will Smith qui était réputé dans le rap pour ne jamais jurer.
Malgré énormément de points positifs, j'émets quelques réserves sur les titres The War, Gold Mine, Finally et Still Can't Love. A mon sens, ces morceaux n'apportent pas grand chose à l'album que ce soit terme de contenu sur le thème général ou un concept nouveau. Je pense également que Joyner n'est pas dans son élément lorsqu'il s'agit de faire usage de l'autotune ou de créer des refrains "radio". Les featuring de Chris Brown et King OSF sont tout simplement oubliables mais je donnerais un peu plus de crédit à Fabolous qui parvient à faire passer quelques vers intéressants.
Mais finalement, c'est le fait que Joyner ait lâché 9 singles qui m'a le plus déçu. J'attendrais impatiemment l'album pour au final réaliser que sur 18 morceaux, 9 sont déjà sortis et 4 sont des skits. Il restait donc 5 sons à découvrir dont 4 que j'estime être les moments faibles de l'album (par contre j'ai beauoup aimé I lied intro).
Pour conclure, Joyner nous livre ici un album de bonne qualité avec beaucoup de matériel à analyser. Joyner nous accompagne dans sa lutte avec ADHD, le soulagement ressenti quand il s'en est sorti mais également un côté revanchard de répondre à tout ceux qui n'ont jamais cru en lui. Néanmoins, c'est la faiblesse de certains morceaux qui retiennent Joyner à un 7/10.