Comme son médiocre prédécesseur, "Adore Life" pose un problème relativement inédit : alors que Savages est un remarquable groupe "live", puissant, spectaculaire, convulsif, on ne sait que faire de ses disques lisses, surproduits, survitaminés, manquant autant de charme que de chaleur. "Adore Life", avec ses compositions uniformément faibles (de nombreuses et patientes écoutes sont nécessaires pour discerner quelques fragments de vie dans ces chansons atones et mornes), et son énergie lyophilisée, ou mieux (pire ?), vitrifiée, est une sorte d'ersatz de disque de Rock, comme on l'entendait il y a 20 ans au moins. Une célébration à la fois exagérée et vidée de toute substance de gestes qui furent autrefois synonymes de rébellion, ou tout au moins de singularité, parfois symboliques : le poing levé, le doigt dressé, la pose sexy-agressive de la rockeuse vêtue de noir, les potentiomètres dans le rouge. On peut être tenté de sauver ici la chanson "Adore", seul véritable moment d'émotion - théâtralisé certes, à la manière finalement plutôt "honorable" d'une Patti Smith -, qui tranche par rapport aux simulacres-zombies qui peuplent cet album de leur présence cinématographique : ce n'est pas beaucoup. Quand on pense à la hype qui entoure Savages, alors qu'au même moment, un Blood Red Shoes, à la culture assez similaire, responsable de véritables brûlots émotionnels, végète dans l'indifférence générale, on est bien obligé d'admettre combien notre musique est devenue vaine en 2016. Tragiquement vaine.
PS: Savages reste une redoutable machine sur scène, on ne saurait leur enlever ça !
[Critique écrite en 2016]