Souchon ou Voulzy ? Souchy ou Voulzon ? Les deux, mon capitaine. Comme chacun le sait, ça fait plus de trente ans maintenant que les compères les plus attachants de la chanson française travaillent l'un avec l'autre, l'un pour l'autre. C'est beau cette réciprocité, et je suis très sérieux ! Car c'est rare, surtout sur une période aussi longue. Alain écrit des textes à Laurent, qui le lui rend bien en composant des musiques toujours aussi efficaces, et ça roule comme ça. Enfin, sur ce disque, ce n'est pas que ça roule, c'est que ça commence à ronronner sévère, mais j'y reviendrai. Juste le temps de préciser que j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour leurs carrières respectives, leurs univers à l'un et à l'autre, qu'ils ont pondu des morceaux incroyables et intemporels qu'il serait vain de citer. Bref, je les écoute régulièrement.
Mais alors, me direz-vous, cet album commun, dont la conception a débuté il y a presque dix ans je crois... Au vu du passif dont peuvent se vanter les deux artistes, de la lente maturation du projet, ça aurait dû être le carton de l'année, un événement d'une importance capitale ! Et c'est là que ça devient incompréhensible, limite surréaliste : il faut bien l'avouer, l'album est raté. C'est con, mais la première image qui m'est venue à l'esprit lorsque j'en ai terminé l'écoute, c'est celle de Sangoku et Vegeta dans Dragon Ball Z, quand ils essayent de fusionner pour battre une espèce de chewing-gum rose sur pattes : au départ, vu qu'ils manquent de pratique, ils ne réussissent qu'à produire un guerrier trop maigre ou trop gros, et pas une montagne de muscles, ce qui les rend irrémédiablement ridicules. Avec cet opus au titre sobrement éponyme, on est hélas très proche de ce cas de figure, sauf que c'est encore pire, parce que Sangoku et Vegeta avaient au moins l'excuse de se détester, eux. Reste donc cette question insoluble : comment deux personnes qui ont toujours produit des chansons de qualité l'une pour l'autre, mais dans l'ombre, peuvent-elles en arriver, une fois le duo enfin mis en lumière, à un résultat aussi fade ?
Inutile de me demander, je n'en ai pas la moindre idée. L'âge peut-être ? Souchon a quand même sorti quelques morceaux très corrects récemment, notamment l'excellent "La compagnie", alors je doute que ce soit ça. Mais je dois dire que le single, "Derrière les mots", m'avait déjà fait un peu peur : trop naïf, trop gentillet, trop complaisant. Et ce trio d'adjectifs peut en fait s'appliquer à l'album tout entier. Ce qui est moche, c'est qu'on pourrait tout à fait en rajouter un quatrième : auto-parodique. Je n'ai pas l'impression que le disque ressemble à Souchon et Voulzy, mais à des caricatures de Souchon et Voulzy, avec des thèmes maintes fois abordés et cet esprit peace and love qui dégouline de partout. Il y a le ciel, les oiseaux et la mer surtout ("Idylle anglo-normande", "La Baie des Fourmis"), la petite bluette sagement révolutionnaire chère à Souchon ("Oiseau malin", vague évocation de Twitter, des réseaux sociaux ?), mais qui, comparée à "Foule sentimentale", ne casse pas trois pattes à un canard sauvage... Mais le plus décevant, et c'est encore une fois étonnant, ce sont les textes. J'ai failli intituler cette critique "Alain sous chie et Laurent fout l'son", c'est dire le niveau. Je ne sais pas si le parolier de l'équipe a écumé les fonds de tiroir ou n'était tout simplement pas inspiré, mais là c'est quand même souvent creux ("Idylle anglo-normande" encore, "Oui mais" et "Souffrir de se souvenir" pour les pires d'entre eux), pas trop travaillé par rapport à d'habitude, ce qui rend une bonne partie des titres insipides et anecdotiques. Côté musique, Voulzy s'en sort mieux : "Il roule" tient la route et "Consuelo", grâce à lui, s'impose comme le meilleur morceau, faisant renaître brièvement la flamme. Par contre, "Bad Boys" ne serait pas un tantinet pompée sur "I want you" par hasard ? Trop longue, quoi qu'il en soit.
Aussi invraisemblable que ça puisse paraître, le duo inusable de la pop française n'aura donc réussi qu'à se planter en beauté, ou presque, avec cet opus qui ne les montre pas sous leur meilleur profil. Suis-je bête, sur la pochette, on les voit de dos... Pardon ! Eh, j'espère tout de même que ce n'est pas un adieu !