• « Allo, David ? C’est Pete Overend Watts. Juste pour savoir si t’aurais pas un job de bassiste pour moi… »

  • Overend ! Tu quittes Mott the Hoople ?

  • Non, c’est le groupe qui splitte ! Pas assez de succès… Les concerts, ça va, on fait toujours le plein, mais les disques se vendent pas. Le label (Island) ne nous suit plus. On est dégoûté. On arrête. On cherche tous du boulot.


Nous sommes en 1972. David Bowie est stupéfait. Mott the Hoople, groupe qu’il adore et dont la glamissime attitude est en train de l’inspirer pour son prochain virage (Ziggy Stardust n’est encore qu’en gestation) va disparaître ? Impossible ! Alors il décide de les reprendre en main en leur offrant le fameux hit qui manquait à leur carrière. Ou plutôt en leur ré-offrant Suffragette City (*), qu’il leur avait déjà proposé l’année d’avant… Eh bien non, ils n’en veulent toujours pas ! « Pas assez bon », d’après eux… Alors il persiste et leur balance de derrière les fagots la demo de All the young dudes, chef d’œuvre d’inventivité mélodique, parolistique, bijou pop avec un refrain en forme d’hymne imparable… qui aurait eu sa place dans les tout meilleurs de sa propre carrière. Eh bien, pour sauver Mott the Hoople, Bowie leur sert ce parfait morceau sur un plateau .
Ian Hunter (le charismatique chanteur du groupe) pleure (« J’aurais attendu toute ma vie pour chanter une chanson comme celle-là »). Et pour aller au fond des choses, notre salvador décide de produire himself le nouvel album et de trouver un nouveau label (CBS) pour le sortir. Le single et l’album font un carton instantané et Mott The Hoople ressuscité peut repartir sur le chemin caillouteux du succès.


Difficile de parler de MTH sans évoquer le fantasque et créatif producteur Guy Stevens qui avait défini en 1967 (lors d’un petit séjour en prison pour trafic de came) le groupe rock parfait : la voix de Bob Dylan, l’orgue de Procol Harum, la rythmique des Stones et s’appeler Mott The Hoople (titre d’un bouquin de Willard Manus qu’il avait lu en tôle)… En quête de cette formation modèle, il auditionnait par-ci par-là… Jusqu’à ce qu’un combo anglais du Herefordshire (contradictoirement dénommé Silence…) lui passe une cassette. Il est séduit… mais il ne veut pas du chanteur (le pauvre et peu rancunier Stan Tippins qui deviendra du coup simple road manager du groupe…). On passe une annonce et une espèce de gros babos à l’improbable dégaine parachevée par d’énormes lunettes de soleil vient leur balancer une version déjantée au piano du Like a Rolling Stone de Dylan. Pour Stevens, il n’y a aucun doute ; ecce homo : il s’appelle Ian Hunter Patterson. Juin 1969 : Mott the Hoople, son groupe idéal, est sur les rails !


Et il défraie rapidement la chronique, grâce principalement à des prestations scéniques complètement folles, grandiloquentes et débridées, qui aboutiront à un véritable Rock’n’roll Circus avec jongleurs, acrobates, clowns... Rapide symbole de l’émergeant mouvement glam rock, sa dégaine est déjà un spectacle à lui tout seul : chevelures extravagantes, platform cuissardes, pantalons moule burnes, bagouzes à têtes de mort, torses velus, chaînes…le tout sur des compositions dylanesques à la sauce heavy. On frise le bon goût sans jamais vraiment l’atteindre… Et ça plaît ! Le public ébahi se presse surexcité aux concerts de la bête curieuse … mais n’achète pas ses disques car il ne s’y reconnaît pas ; trop différents, trop sages et trop travaillés, sans doute - même si la plupart ont été enregistrés en conditions live. Cinq albums entre 69 et 72, une multitude de tournées harassantes où la forme prend le pas sur le fond (les gens venaient plutôt voir un show qu’écouter la musique…ce qui finit par frustrer quand on est musicien) et le groupe, au bout du rouleau décide en mars 72 de jeter l’éponge.


Jusqu’à ce fameux disque-rebond, All the Young Dudes, sixième opus piloté de (par la) main de (du) maître (accessoirement aux chœurs et au saxophone), orchestré par Mick Ronson, où – outre l’éponyme joyau - on trouve d’entrée une très inspirée reprise du Sweet Jane de Lou Reed, des compositions équilibrées du groupe sur base folk (on pense à Dylan mais aussi au George Harrison de All things must pass ) ou carrément rock’n’roll (difficile de ne pas remarquer que les Mott ont partagé les studios avec les Rolling Stones (**) ) pour s’achever sur une magnifique ballade dépouillée de Ian Hunter au piano. Une sorte de chef d’œuvre oublié, figuratif d’une époque, qui a sa place au Panthéon du rock, entre T Rex et Ziggy .


Et la suite ? Eh bien encore deux albums, « Mott » (excellent, chaperonné cette fois par les Roxy Music Andy MacKay et Brian Eno) en 73, puis « The Hoople » en 74. Quelques changements de personnel (le guitariste Mick Ralph étant allé entre temps fonder Bad Company avec Paul Rodgers) et une grosse tournée avec un groupe prometteur en première partie qui lui a volera petit à petit la vedette… C’était Freddie Mercury et Queen qui montaient vers le succès alors que Ian Hunter et Mott the Hoople entamaient leur chant du cygne (séparation définitive en décembre 74). C’est la vie, c’est le rock’n’roll et c’est une autre histoire…


(*) Titre pourtant génial que Bowie inclura finalement dans son mythique album « The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars » .


(**) Les Stones qui ont de leur côté et à cette occasion piqué le titre d’un album que Guy Stevens avait inventé pour Mott : Sticky Fingers !

RolandCaduf
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le 18 avr. 2021

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