S'il y'en a un qui a "gagné" la rupture des Beatles, c'est bien George Harrison. Écrasé par les égos de McCartney et Lennon qui ne le considèrent pas comme un auteur compositeur de talent, les sessions de Let it Be sont compliqués pour Harrison, qui voit toutes ses propositions de chansons rejetées. Il accumule alors un répertoire impressionnant de titres qu'il décide de décharger sur un seul album, dès la rupture du groupe annoncée. Un double album, souvent qualifié à tort de "triple album", car le troisième disque est un disque bonus, et comme tous les titres bonus, c'est nul.


Concentrons nous donc sur le double album en lui-même, All Things Must Pass. En plus d'être l'avénement de Harrison en tant qu'auteur-compositeur, c'est aussi son avénement en tant que guitariste : s'il avait acquis un son assez brut et gras à la Lennon pendant les périodes White Album - Let it Be, Abbey Road était l'album où il commençait à se trouver un son particulier et personnel, en vibrato soft rock assez somptueux. Il l'améliore ici, en ajoutant son arme secrète, et qui restera l'élément le plus reconnaissable de sa musique : la slide. C'est simple, on l'entend sur quasiment tous les morceaux de l'album, et tant mieux car c'est absolument divin. Les solos de slide de My Sweet Lord et Isn't it a Pity sont probablement les points culminants de la carrière de George Harrison en tant que guitariste.


Et qu'en est-il de la composition ? Il développe sur des thèmes qui lui tiennent à coeur, la spiritualité et le divin en général et l'aigreur par rapport à ses ex-collègues Lennon et McCartney. La face 1, soit les 4 premiers morceaux, est à l'image de l'album et probablement l'une des meilleures faces de musique jamais réalisée : s'ouvrant sur le doux et sensuel I'd Have You Anytime (co-écrit avec Dylan), puis poursuivant avec le single interplanétaire quasi-gospel My Sweet Lord, avant de déchainer toute sa rage sur les Beatles avec le capharnaüm musical Wah-Wah, le morceau le plus hard-rock de la carrière de Harrison. Cette face parfaite se termine avec Isn't It a Pity (version 1), peut-être le meilleur morceau de l'album (difficile de choisir et mon avis change souvent), qui déplore les relations gachées de Harrison avec ces mêmes Lennon et McCartney. La grandeur de cette face n'en diminue pas les qualités des 3 autres : Harrison varie constamment entre le relâchement d'un Apple Scruffs ou d'un I Dig Love et la puissance sombre d'un Beware of Darkness ou Art of Dying.


Venons-en au point qui divise le plus les critiques concernant cet album : la production de Phil Spector. Oui, clairement, l'album est sur-produit. C'est d'autant plus flagrant sur certains morceaux, mais est-ce vraiment un mal ? Les thèmes spirituels et graves de l'album n'en sont-ils pas encore mieux servis par cette production rappelant un opéra ? Le seul morceau où je trouve vraiment la production préjudiciable est Awaiting on You All, car la voix de Harrison est complètement couverte par le voile de cuivres, de guitares électriques, acoustiques et de batteries balancés par Spector.


Cet album est un chef d'oeuvre, le genre qu'on ne trouve qu'une fois toutes les décennies, et devrait être célébré beaucoup plus qu'il ne l'est à l'heure actuelle : comment expliquer qu'il ait moins de 1000 notes sur SensCritique, alors qu'il est souvent considéré comme le meilleur album solo des ex-Beatles ?

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le 30 mars 2018

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Redas

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