Quand on parle de musique industrielle au sens strict du terme, impossible de ne pas citer Throbbing Gristle. Groupe pionnier du genre ayant existé entre 1975 et 1981 (pendant leur première période qui les a vus sortir quatre albums incroyables), il comprenait Cosey Fanni Tutti, Chris Carter, Peter "Sleazy" Christopherson et Genesis P-Orridge. Quand TG splitte l'été 81, Chris et Cosey forment leur duo éponyme pendant que Sleazy et Gen forment Psychic TV, faisant également appel au guitariste du groupe punk Alternative TV, Alex Fergusson. Genesis nous ayant quitté un peu plus tôt en cette funèbre année 2020, j'ai eu l'envie de me pencher plus longuement sur le cas étrange de son groupe post TG, Psychic TV, et pour commencer donc, l'album chroniqué ici.
Passé le départ de Peter Christopherson après la sortie coup sur coup des albums Force The Hand Of Chance puis Dreams Less Sweet en 1982 et 1983, Psychic TV, même si il peut compter sur une armada de membres (dont certains ne sont même pas des musiciens mais des fans, piochés depuis le fan club/secte ésotérique fondée par Genesis P-Orridge lui-même, le fameux "Temple Ov Psychic Youth"), ne repose alors plus que sur Gen et son comparse guitariste, Alex Fergusson. Dés lors, les deux principaux compositeurs du groupe décident d'assumer pleinement leurs influences 60's et leur amour pour les disques des Rolling Stones et du Velvet Underground. Ils composent et enregistrent l'album Pagan Day d'une seule traite le jour de Noël 1984. Ce disque, qui par son côté brouillon (des ébauches primitives de titres qui seront retravaillés plus tard) ne peut pas véritablement être considéré comme un troisième album officiel de PTV, indique cependant déjà la future orientation du groupe. Cette même année 1984, P-Orrdige passe en effet son temps à essayer de monter un projet de film-biopic sur la vie, l'oeuvre et l'influence de Brian Jones, le guitariste de ses Stones chéris, mort dans les années 60 à l'âge de 27 ans d'une manière mystérieuse...
Le projet prends peu à peu forme, sous le titre de "Thee Starlite Mire", avec l'aide du journaliste/rock critic Jon Savage pour épauler Gen dans ses recherches concernant le musicien décédé. Malheureusement, par manque de fonds, le film ne verra finalement jamais le jour. P-Orridge n'aura pas cependant pas tout à fait renoncé à son projet puisqu'il aura au moins enregistré tout un album dont il pensait se servir pour la bande son. Enregistré entre 1985 et 1986, ce disque de Psychic TV se nomme donc à la base comme le film, avant d'être remixé puis d'être re-titré Allegory And Self, un titre de remplacement qui serait venu à Gen dans une transe pendant l'une de ses fameuses séances de rituels "magick" (don't ask). La sortie du disque se voit retardée, car à cette époque le label de Genesis (qui veut tout faire lui-même), Temple Records, est absolument fauché. Le disque sort finalement avec deux ans de retard, en 1988. Dans l'entremise, le guitariste Alex Fergusson à définitivement lâché Psychic TV, frustré par le comportement assez paradoxal et contradictoire de Genesis, lui faisant également remarquer que ses délires de gourou du TOPY empiétaient beaucoup trop sur la vie du groupe.
Allegory And Self est donc la synthèse des travaux de Psychic TV réalisés entre 1985 et 1987, ce qui explique pourquoi aucun album complet n'est sorti pendant cette période. Il contient onze titres parmi lesquels on compte "Godstar", le très 60's "Just Like Arcadia", "Thee Starlit Mire" dont Simon Gallup lui même n'aurait pas renié la ligne de basse ou encore le proto-house "She Was Surprised", qui sont tous, assez étrangement pour du PTV, des titres très pop qui fusionnent assez bien toutes les influences du groupe. "Godstar" reste d'ailleurs à ce jour le seul véritable tube de Psychic TV, ayant un son s'approchant au plus prés de la scène new wave de l'époque (proche soniquement d'Echo & The Bunnymen, avec un petit côté The Cure pour le psychédélisme), ce qui à certainement assez plu au public anglais pour que le titre atteigne une place relativement élevée dans les charts et que Top of the Pops demande à Genesis de créer et diffuser un clip qui passe dés lors constamment sur les ondes de la BBC. On note également d'autres titres intéressants sur ce disque : "Thee Dweller" et son ambiance mortifère (notez les imitations de cris des loups); "Being Lost" qui évoque cette fois les Beach Boys; "Caresse Song", une curiosité "mignonne" (qui l'aurait cru ?) qui voit Genesis laisser sa fille aînée Caresse jouer avec les synthétiseurs du studio pendant que sa benjamine Genesse chante à tue-tête par dessus le vacarme; ou bien le titre final, "Ballet Disco", qui voit P-Orridge renouer avec une certaine musique électronique, située quelque part entre le Cabaret Voltaire de "Crackdown" et le Art Of Noise de "Close To The Edit".
A mille lieues de la musique industrielle et purement électronique de Throbbing Gristle, Genesis P-Orridge livre avec Allegory And Self ce qui reste selon moi l'album le plus rock, le plus réussi, homogène et pertinent de Psychic TV. C'est également en rétrospective l'album le plus accessible de la discographie du groupe, et certainement l'un de ceux qui a certainement le mieux vieilli, si on laisse de côté les rares titres qui contiennent synthés et boites à rythmes... Une bien belle découverte en tout cas !