En 2008, tranquillement, Alice Cooper revient, toujours en forme, toujours aussi accro au golf avec ce "Along Came a Spider" tout de bleu vêtu.
En découvrant la pochette et le livret, c'est évident, on a droit à un nouveau concept-album (ou du moins à une sorte d'opéra-rock) de la part de notre sorcière. Les plus attentifs remarqueront même le nom de Steven, gribouillé au crayola rouge dès l'ouverture. Et oui, de nouvelles aventures en perspective pour ce personnage derrière le personnage que le rocker aime à faire intervenir ça et là dans sa discographie.
Si le concept est curieux, il n'est pas aussi tarabiscoté que sur "The Last Temptation" par exemple, ni aussi flamboyant que sur le mythique "Welcome to my Nightmare", pourtant, il sert d'excellent prétexte à 11 morceaux très rock, au son très proche des deux derniers albums du Coop. C'est plutôt une bonne nouvelle, "The Eyes of Alice Cooper" et "Dirty Diamonds" étaient deux très bons albums marqués par un son résolument rock, presque basique sans prétention et fort efficaces. "Along Came a Spider" reprend ces ingrédients, en leur ajoutant ce qui semble plaire plus que tout au chanteur : une histoire.
L'histoire d'un tueur, surnommé "The Spider", bien déterminé à se créer une compagne idéale. Pour cela, il étouffe ses victimes dans la soie, puis leur découpe soigneusement une jambe. Parvenu à huit, il aura son araignée ! Limpide ! Ce personnage digne de EC Comics est donc le narrateur et le héros de cet album qui lui sert de journal intime.
Le concept est donc très réfléchi, dans le fond comme dans la forme, avec un très joli livret/digipack je le disais et aussi une série de vidéos en forme de court métrage très bien troussée et très drôle. (Inclus, de vrais morceaux de "From the Inside"). https://www.youtube.com/watch?v=VK8QZrJTpoY
Pour ne pas aller à la baston tout seul, cette fois ci Alice Cooper a appelé quelques copains, Slash, comme sur "Hey Stoopid", mais aussi Eric Singer, batteur des Bisous, et, plus ou moins Ozzy Osbourne (j'y reviendrais).
Après une intro pour poser l'ambiance débute "I Know Where you Live" sympathique et rock'n'roll avec une énergie communicative et une bonne humeur marquée. On notre cependant immédiatement un son très lissé qui va caractériser l'album, c'est un peu dommage avec un tel thème, quelque chose de plus organique aurait sans doute été bienvenu. Les claquements de mains par exemple, sonnent vraiment trop synthétiques, on les réentendra plusieurs fois sur l'album avec plus ou moins de bonheur. Sinon on est pile dans le thème du slasher, Alice Cooper s'y engage avec une aisance et un plaisir évidents.
"Vengeance is Mine" est un peu plus agressif, soutenu par la guitare de Slash et ses solos nerveux et un peu crados (c'est un compliment), le morceau est un peu le single de l'album, et l'un des plus réussis, disons le aussi.
Le titre "Wake the Dead" reste dans le ton, même si son thème lui n'est pas vraiment attaché au reste du concept. Le morceau est censé être une collabortation avec Ozzy Osbourne qui signe effectivement les parties d'harmonica, les choeurs et une partie des paroles. Apparemment le morceau avait d'abord été proposé à Ozzy qui en avait commencé une version, puis, pour une raison ou une autre, il avait été abandonné puis confié à Alice Cooper tout en conservant le travail de son copain. Difficile d'être fixé. Bon, sinon c'est une chanson qui fait surtout penser à...Rob Zombie ! La grosse basse de Danny Saber rappelle un peu celle du "Taxman" des euh qui déjà, Beatles. Je parlais de Rob Zombie, c'est à cette période que les deux chanteurs se rapprochent pour une série de tournée un peu partout dans le monde, ils deviendront vraissemblablement amis pour la vie !
"Catch me if You Can" rattrappe (ah ah) le thème, avec un tueur qui se joue de ceux qui tentent de le coincer. Ce n'est pas le meilleur morceau. Les couplets sont énervés et pleins d'ironie, le refrain quant à lui finit par lasser sur la fin. Pas dégueulasse, mais pas non plus un chef d'oeuvre. Dommage. Ah oui, et ça finit en fondu, vous savez peut-être ce que je pense des fondus en guise de fin de chanson.
On arrive ensuite au bref "(In Touch With) Your Feminine Side", encore trop chargé de claquements de mains, mais finalement entrainant. On y voit l'Araignée choisir sa proie, jusqu'au "Wrapped in Silk" qui s'enchaîne directement derrière. Celle ci n'est pas non plus très inspirée, même un peu pénible sur la longueur (pourtant pas si importante).
Heureusement, arrive la ballade de rigueur ! "Killed By Love" (dont la vidéo fait partie du mini film dont je parlais plus haut et qui mérite le détour pour son ironie grinçante qui fonctionne vraiment avec moi je dois dire) C'est le passage sentimental de l'album, Alice Cooper y reprend sa voix paulmaccartneysienne pour ce moment intime entre un tueur et sa victime. C'est toujours drôle de voir qu'en dehors du contexte c'est une chanson totalement sirupeuse, seul celui-ci permet un éclairage nettement plus savoureux.
Le rock revient rapidement avec "I'm Hungry" (bon il y a encore...les claquements oui) musicalement pas révolutionnaire encore mais avec des paroles astucieuses de cet humour noir si attachant " I gotta smile for the lady that goes on my face, I gotta kiss on my lips that leads to my place, I gotta bed in my basement fit for two, I got chloroform and handcuffs, just for you". On sourit.
"The One That Got Away" et sa première ligne qui donne son titre à ma tartine de mots est du même goût. La situation montre le tueur en proie au doute, pour la première fois, touché par...l'amour ! On reste dans ce rock ni trop hard ni trop mou, avec un amusant dialogue inspiré du "Silence des Agneaux" et de son Buffalo Bill avant la fin.
"Salvation" est plus doux, marqué par les cordes et les claviers, on y retrouve un peu les ambiances de la fin de "Welcome to my Nightmare" surtout par les petits effets sur la voix du Coop, parfois fluette et comme lointaine. The Spider entrevoit la lumière et se voit tenté par la rédemption tout en se doutant bien que c'est peine perdue.
Effectivement puisque notre personnage affirme son statut de tueur obsessionnel avec "I Am the Spider". Le rock reprend le dessus, à deux vitesses, avec une légère dimension hymnesque, pour une conclusion théâtrale de rigueur. L'épilogue prend la forme d'un dialogue entre the Spider et Steven, qui, suspense suspense, se revèlent bien être la même personne.
Il y a du bon dans ce "Along Came a Spider", même du très bon. Les "Vengeance is Mine", "Killed by Love", "The One That Got Away", les muscles de Slash, l'humour noir omniprésent nous laisseraient à penser que le Coop est en grande forme. L'album sera d'ailleurs son plus grand succès depuis l'époque déjà lointaine de "Hey Stoopid" et il redonnera un coup de fouet bienvenu à une carrière déconcertante d'inégalité. Néanmoins, car il faut bien dire néanmoins à un moment ou à un autre, tout n'est pas non plus d'une originalité et d'une inspiration fantastique. J'ai parlé du son trop lisse et d'effets redondants, ceux là ne gâchent pas l'expérience, mais ils empêchent un concept très prometteur de s'élever plus haut dans la mythologie Cooperienne. Là où des albums d'anthologie ont vu le fond et la forme s'épouser dans une alchimie parfaite (oui le "Nightmare", mais aussi "Billion Dollar Babies", "Killer"...) ici on manque un peu d'équilibre. Heureusement, l'enthousiasme qui parcourt l'album, le personnage attachant qu'il décrit et la personnalité du Coop font que "Along Came a Spider" gagne finalement la partie, même s'il triche un peu au passage.