A l'écoute du premier single choisi par Yeasayer pour signifier leur retour, cette belle exploration électro-pop qu'est "I Am The Chemistry", je me suis rappelé que j'avais adoré ce groupe en 2010 avec leur Odd Blood, devenu personnellement culte, où la même exploration s'étirait sur tout un album, non sans un certain goût pour la grandiloquence, le psychédélisme et les échappées exotiques. Leur suivant "Fragrant World" m'avait moins convaincu, faisant preuve de moins de réussite niveau mélodie, plus sombre, optant clairement pour leurs possibilités d'expérimentations. Quatres ans sont passés et c'est avec une certaine excitation que j'attendais cet "Amen & Goodbye", du au single donc et à un visuel qui contenaient tout ce que j'ai pu apprécier chez le groupe, mysticisme futuriste et esprit pop.
Faisons un piste par piste si vous voulez bien. L'album s'ouvre sur "Daughters of Cain", qui fait vaguement penser à l'intro de Bohemian Rhapsody, surtout pour ses chœurs ; belle ouverture mais pas forcément essentielle. Après "I Am Chemistry", on se retrouve avec "Silly Me" qui est sans aucun doute formaté pour être le tube de l'album, au même titre qu'un "Ambling Alp" sur Odd Blood, bien que plus simpliste au niveau de l'instrumentation. "Half Asleep" joue la carte de l'exotisme (après tout, ils ont enregistré en pleine nature). "Dead Sea Scrolls" fait preuve de moins de réussite pour se faire valoir comme étant le deuxième tube de l'album, trop de "Pa-pa-pa", trop kitsch. Les deux ballades "Prophecy Gun" et "Uma" aux airs psychédéliquement aquatiques font le boulot pour imposer un peu de calme dans la galette, mais ne marqueront pas les mémoires. "Divine Simulacrum" est plutôt sympathique, beau reste de certaines tentatives RN'B déjà présentes sur Flagrant World. "Gerson's Whistle" essaye d'être aussi grandiloquent, dépouillé et mémorable que le premier single mais ce n'est pas en mettant encore un pont avec des chœurs qu'il y arrive. Enfin, "Cold Night" marie couplet cold-wave et refrain plus enjoué... oubliable. Tout ça est entrecoupé de trois pistes de moins d'une minute, sorte de skits encore une fois pas forcément utiles mais qui assurent le côté arty voulu par la pochette de l'album signé David Altmejd, sans doute la seule chose que beaucoup retiendront de cette œuvre.
Bien que plus éclectique stylistiquement parlant, Amen & Goodbye est aussi plus pauvre au niveau des expérimentations et des arrangements, moins fouillés que ses prédécesseurs. Les morceaux (les plus longs) sont peut-être plus complexes au niveau de la composition mais ne sont finalement que plusieurs idées et excentricités réunis en une. Et même s'ils se servent souvent de chœurs pour attraper l'auditeur, notons qu'au bout de plusieurs écoutes, il y a très peu de véritables hymnes qui nous marquent. Il y a donc erreur sur le résultat final, la dernière œuvre de Yeasayer n'est pas aussi folle, ambitieuse et mystique qu'annoncée quelques mois avant sa sortie. On se retournera vers Odd Blood pour quelque chose de plus pop et expérimental, suivi de leur premier All Hours Cymbals. L'appel d'un producteur (Joey Waronker) pour la première fois a finalement amenuisé les capacités de Yeasayer à innover et surprendre. Mais espérons quand même que le titre ne soit pas prophétique et qu'ils nous quitteront sur une meilleure note.
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