Se renouveler sans cesse est une obligation pour l'artiste, sans quoi le public se lasse et l'oeuvre devient anecdotique. Le renouvellement, c'est un mantra répété depuis des années par les grands noms de la musique populaire, des noms comme Muse, Linkin Park ou Coldplay, qui ne cessent de changer de direction au fil des albums, jusqu'à eux-même ne plus trop savoir où ils en sont.
Si il arrive que ces changements soient très réussis, comme lors de la sortie de Kid A en 2000 qui avait vu Radiohead embrasser la musique électronique, le changement est souvent mal perçu par les fans. La théorie est que pour chacun d'entre eux que l'artiste perd, il en gagne un dans la foulée.
Les spécialistes du changement de direction sont sans contexte les américains de Thirty Seconds to Mars : 5 albums, 5 genres différents. Du space metal novateur de leurs débuts à la pop radiophonique et plutôt insipide du dernier album en date, America, sorti le 6 avril dernier.
Et ça a toujours plus ou moins fonctionné. Thirty Seconds to Mars a toujours pu renouveler sa base de fan, et ceux laissé en chemin se consolaient avec leur album préféré, généralement l'album éponyme ou A Beautiful Lie, plus rock que les suivants, et aussi un peu meilleur.
Leurs choix n'ont jamais manqué d'intérêt, et si la recette commençait à s'essouffler sur Love Lust Faith + Dreams, l'effort de 2013, il y avait toujours des moments à retenir des créations de la bande de l'oscarisé Jared Leto.
Mais voilà, à force de vouloir sans cesse innover, on finit par ne plus innover. Dans une carrière sans fil rouge, il est facile de se perdre, et sur cet America, Thirty Seconds to Mars, ou plutôt ce qu'il en reste, a fini par se perdre.
Les manques sont criants à tout les étages. Compositions peu inspirées, sonorités banales, et pire que tout, des textes vraiment faibles, là où le talent lyrique de Jared Leto était auparavant une force.
L'exemple le plus frappant est cet horrible Walk On Water, dévoilé à l'été 2017, où rien ne marche : Les Oooh Ooooh laissent place à une mélasse gospel insipide. Ne nous arrêtons pas sur les paroles dignes d'un escroc d'internet. « Do you believe that you can walk on water, do you believe that you can win this fight tonight ». On se passera de commentaire.
Être résolument commercial dans sa démarche n'est pas un défaut. Le vrai défaut de cet album, en-dehors de son manque d'originalité, est son absence d'intérêt. Les pistes se suivent et se ressemblent, sans qu'aucune ne sorte du lot, sauf peut-être l'interlude Monolith (interlude inutile d'ailleurs puisqu'elle ne s'enchaîne absolument pas avec la piste suivante) et la ballade Remedy, où Jared Leto brille par son absence. Car il faut en parler, le chant de Jared Leto sur cet album est insupportable. Horriblement maniéré, il en fait des tonnes pendant 10 chansons, tel le Messie mégalomane qu'il semble avoir l'ambition de devenir au vu des récentes prestations live du groupe.
Anecdotique, America ne marquera pas 2018. Espérons seulement qu'il ne marque pas non plus la fin d'un groupe important pour des millions d'adolescents des années 2000.
(Tiens d'ailleurs joli sample de Sigur Ros sur Love is Madness, Tomo était en vacances?)
Chronique écrite pour la radio