Il aura fallu un deuil tragique à Metallica pour abandonner les ambitions de perfection de Ride the Lightning et Master of Puppets, et s'aventurer dans des territoires plus personnels, plus dangereux. L'histoire nous le dit, les trois membres restants prennent les rennes de toute l'entreprise, relèguent leur nouveau bassiste au statut de figurant, se chargent eux-même de la production... Ce nouvel album ne sera pas parfait comme l'ont été les deux précédents, mais il sera une authentique représentation des troubles du groupe à cette période de leur vie.

La production est sèche, aride. Les riffs ne sont pas mis en valeurs, ne proposent d'énergie que dans leur écriture, très peu dans leur exécution. C'est que le quatrième horseman disparu, l'envie n'y est plus. Passé la petite mélodie d'espoir en introduction, tout n'est plus que noirceur. Blackened !

La noirceur d'esprits piégés dans leurs émotions tragiques, les ramenant toujours à la mort et leur ami passé de l'autre côté. Il paraît que la place dans le bus qui a coûté la vie à Cliff a été joué sur une partie de carte. De quoi se rendre fou à force de retourner la situation dans tous les sens (et si ?). Les morceaux sont longs et alambiqués comme un fil de pensée qui ramène inlassablement à une finalité funeste, mettent à mal l'auditeur qui souffre de devoir traverser une telle épreuve.

On imagine alors le deuil du groupe comme une prison personnelle dans laquelle on se plonge, et par là d'autant plus vicieuse. Les paroles parlent d'être piégés : par l'état, par sa famille, par son propre corps... Metallica souffre, et n'a absolument aucune idée de comment s'en sortir. L'auditeur avec lui.

Darkness imprisoning me
All that I see
Absolute horror
I cannot live
I cannot die
Trapped in myself
Body my holding cell

Landmine has taken my sight
Taken my speech
Taken my hearing
Taken my arms
Taken my legs
Taken my soul
Left me with a life in hell

Un disque glacial, loin des jalons du thrash metal que le groupe a largement contribué à créer, et encore plus à populariser. La rébellion adolescente, trop puérile désormais, n'a plus lieu d'être. De notre rage, il ne reste plus que son désespoir. Le groupe ne se remettra jamais de cette épreuve, se confortant ensuite dans une popularité qui les met à l'abri de tout danger. Mais avant ça, il y a eu ...And Justice For All, et la furieuse obstination à s'exprimer par la musique.

When a man lies, he murders some part of the world

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le 2 oct. 2022

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Mayeul TheLink

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