Ce matin j'me lève tôt comme d'hab, j'dois partir taffer, bosser, avec tous les moutons débiles. Six heures ! Comme d'hab j'avale un café... pas bien dormi...pas faim...grille une clope...bouche pateuse, salive viciée...déjà à la bourre ! Craché comme un vieux glaviot de ma cité dortoir je marche dans les rues froides et désertes, la Planète roule. Une fine pluie rachaichit mon visage, adoucit ma torpeur... Pouquoi ai-je l'impression qu'il tombe des larmes. J'suis pas né au bon endroit et j'ai bien les boules. Je ne peux que survivre, mon existence est floue. C'est comme ça mec tu fais pas partie de ceux qui mènent la cadence. La réalité du temps qui passe, des minutes qui tournent me poussent à pouloper un peu pour gagner l'entrée du souterrain qui va m'avaler, me gober avec d'autres faces sans visages, d'autres fantomes, les tristes ombres du matin. Face au portique Guimard de la station "Oberkampf contingent" la rage me monte comme une petite vague. Planté devant ces poteaux de métal torturés et qui sentent la pisse, arrangés pour former ce qu'ils appellent art nouveau ou déco...Foutaises... Je racle ma gorge en profondeur fais remonter un glaire bien visqueux que je propulse vers un O de Metropolitain. Touché...Petite victoire !
Escalier clinique...controleur cynique...clochard alcoolique...rame dynamique...J'aimerais être amnésique.
Le serpent arrive en hurlant, les lumières vacillent, mon corps penche dangereusement, si facile de couper court, d'éviter, d'esquiver, faire une pirouette à la vie. C'est dur de garder l'envie d'avoir envie. Vaincu comme tous les matins je monte dans l'abdomen de la bête avec d'autres cancrelats déjà bien usés, reflets de ce que je deviendrai...Faudrait pas que j'me laisse aller ! La machine est si puissante, ronflante et vivante elle gobe les gens ces amas protoplasmiques aussi consistants que les cafards qui errent dans ma cuisine en ce moment. Quinze mètres carrés habitat condensé, standardisé, deshumanisé.
Je sais que la musique va m'aider, alors sombrement je place les écouteurs sur mes oreilles. La rage est toujours là vibrant sous ma peau comme un monstre de misère, de colère. J'enfonce la touche le son surgit comme un petit fix. J'ai choisi un album puissant de folie de feu et de sang...masquer la souffrance, le type qui éructe son chant fiévreux il est comme moi plein de furie, comme une maladie...Montrer les dents...Pump up the volume, la rame disparait, les moutons balayés ma tête commence à bouger en cadence...Je suis de la race des fous.
Horreur le son ramollit, ralentit, le volume diminue, mon garde fou s'estompe...Les piles sont mortes ! Oooh Nann, nan nan nan nan nan nan !
Le Monde autour de moi reprend consistance, j'avale péniblement ma salive mais cette boule au sternum ne s'en va pas et j'ai l'impression d'être vieux ! J'aime pas me sentir vieux.
La rame ralentit, s'arrête, je descends, je marche mollement, tête basse vers la terne journée qui m'attend.
No Futur