Voilà encore un exemple de bande originale ayant beaucoup mieux survécu au temps que le film dont elle est tirée - un phénomène récurrent chez Vangelis.
Elle a d'autant mieux résisté que le thème principal figure sur nombre de compilations du compositeur grec, dont l'incontournable Thèmes qui a fait beaucoup pour sanctifier nombre de ses mélodies, voire pour les faire connaître tout court (c'est sur ce disque que furent publiés pour la première fois des extraits de la B.O. de Blade Runner, jamais entendue sur galette auparavant).
Ce thème, fort bien balancé par ailleurs, a néanmoins tendance à occuper de manière abusive une large partie du disque. Il ouvre logiquement ce dernier, dans une version complète de 7'30 où Vangelis déploie sa majesté sonore, son amour immodéré pour les reverbs interminables, et sa science de la mélodie qui fait mouche avec pas grand-chose.
On le retrouve décliné dans le morceau suivant, logiquement intitulé "Antarctica Echoes" - un truc, ce titre "Echoes", que Vangelis reprendra dans Voices, sans ce que ce soit forcément plus inspiré...
Bref. Revenons à nos chiens de traîneau, et donc à cette variation du thème principal jouée au piano électrique, sur des nappes vaporeuses qui n'apportent rien de neuf à l'affaire. Pas désagréable à écouter, mais sans relief particulier.
Passé "Kinematic", composition rythmée par une séquence synthétique rapide sur laquelle s'empilent cordes, cuivres et percussions (un morceau qui, par sa composition et avec des chœurs en plus, n'aurait pas déparé sur Mask, à paraître deux ans plus tard), "Song of White" nous entraîne dans une rêverie planante, portée pendant un peu moins de trois minutes par le seul son d'une flûte réverbérée à mort... avant que réapparaisse le thème principal, dans la même orchestration que celle du titre principal.
Du copier-coller bête et méchant, abrégé par un fade out certes, mais quand même.
On commence à s'inquiéter, d'autant que le titre suivant s'ouvre à nouveau par les notes du thème, égrenées par un son différent, d'accord... mais quand même !
C'est pour mieux nous surprendre, car "Life of Antarctica" déroule une nouvelle ambiance, à nouveau rythmée par une séquence électronique répétitive sur laquelle Vangelis improvise de tous ses autres sons emblématiques (cordes, flûtes, cuivres, nappes de synthé, cuivres).
Sorti de la poudreuse ? Ben non, car revoilà le thème principal, dans la nouvelle orchestration dépouillée de "Memory of Antarctica" - son de piano planant, nappes, etc.
Ça pourrait lasser, mais en fait non. J'ironise, néanmoins la méthode fonctionne. De ces reprises et répétitions se dégage une grande cohérence, finalement tout à fait dans la manière de Vangelis. En moins inventif que dans d'autres œuvres, notamment Blade Runner qui date seulement d'un an plus tôt, mais ça marche.
Le titre suivant, "Other Side of Antarctica", laisse donc craindre le pire. Raté, c'était une feinte ! Pas de retour du thème ici, mais un morceau décliné sur une séquence glissante de cordes synthétiques, occasion pour Vangelis d'improviser de nouvelles orchestrations vitupérantes dont il a le secret.
Enfin, "Deliverance" offre une sortie en majeur, noble et gracieuse, dans l'esprit des hymnes dont le compositeur a l'amour et le secret.
Une belle conclusion, qui permet à cette B.O. de s'achever sur une note très élégante, et de faire oublier que Vangelis ne s'est sans doute pas autant foulé que d'habitude pour ce disque - tout en assurant le job avec beaucoup d'assurance et d'honnêteté.