J’ai toujours été fasciné par les noms de groupe en français, surtout ceux qui s’inscrivent dans la sphère black metal, et ça attire d’autant plus mon attention quand ça vient d’un groupe non-francophone (et avouons-le, ça flatte toujours notre égo) comme c’est le cas ici, car Oubliette – au singulier, cette particularité semble avoir probablement son importance – est un groupe nord-américain, originaire du Tennessee. Et ce n’est pas forcément la première fois que l’on voit ça, du français utilisé par certains groupes dont ce n’est pas la langue, qui peut être vu comme une langue de raffinement, oui c’est vrai, mais pouvant également se référer, entre autres, aux poètes maudits, au romantisme noir, à la désolation, la liste n’est pas exhaustive (on ne compte plus les références dans le black metal, qu’elles soient assumées ou discrètes, à Baudelaire par exemple).
Ce premier élément attira mon attention. Sa pochette, également. Très fantomatique, très mélancolique qui tend au calme et à l’introspection. Et c’est effectivement parfaitement matérialisé par leur musique, on à à faire ici à du black metal mélodique à plusieurs guitares, assez introverti, parfois progressif, et plutôt varié, les passages à la guitare acoustique sont récurrents et accentuent cette impression de climat dépressiogène mais satisfaisant, on serait presque sur du suicidal-black metal mais sans le côté suicidaire, sans ce côté malaisant, il y a ce petit côté contemplatif dans le renoncement que je trouve particulièrement satisfaisant. C’est triste, mais léger.
Le chant également est intéressant, c’est un chant criard typique du black metal mais avec une puissance moindre que ce qu’on à à faire d’habitude, un peu fragile, vaporeux. Qui s’explique en partie qu’on a derrière le micro Emily Low – une femme donc – dont le genre par définition n’est pas très porté sur les voix ultra lourdes et brutales, même s’il existe des exceptions. Son registre est d’ailleurs multiple, on peut l’entendre sur certains passages en chant clair, et ces parties là sont peut-être les plus agréables, les plus enchanteresses du disque.
Musicalement, ce que propose Oubliette est très efficace, très bien produit (le côté mélodique/ progressif se matérialise ici par une production très bien léchée, boostée en réverbération pour bien accentuer son côté mystérieux et évanescent, on n’est pas sur du raw black-metal, ça serait ici hors-propos), ce n’est pas particulièrement original mais on sent que ça n’est pas le but. Le but est de produire un black-metal (j’allais dire, presque familial. Mais non faut quand même pas déconner) mélodique, acoustique, dotée d’une belle mélancolie, qui de par sa douceur inhérente, s’écoute assez facilement dans son lit le soir pour s’endormir. Même les blast-beats et les tremolo-pickings semblent doucereux, malgré la violence intrinsèque à cette méthode de jeu, alors qu’ici ça ne l’est pas vraiment, violent.
Par conséquent, groupe trop méconnu, au potentiel certain (quoique l’album suivant, The Passage sera à mon sens un peu moins pertinent), qui propose une musique excellente, faite pour flâner, pour se perdre dans ses pensées, se ressourcer. Et cette pochette, tellement évocatrice … On a très envie de pénétrer dans ce vieux sanctuaire en ruines et s’y reposer, y méditer, passer sa main sur ces marbreries fissurées et poussiéreuses, ce lieu probablement chargé en esprits, avec qui on aimerait communiquer …
Tous les morceaux sont fantastiques et s’inscrivent dans ce registre décrit plus haut. On peut relever certains moments forts, comme sur The Fog et la lourdeur inattendue de ce riff à 3 minutes 30 qui me fait temporairement sortir de ma torpeur méditative, cet arpège fantastique sur la reprise de Howls Of Death qui rappel un petit peu le At The Heart Of Winter d’Immortal, ou ces murmures fragiles en intro de Creatures of The Endless Slumber (ce titre, ultra-classe) qui agissent comme une étrange berceuse protectrice, et réitérant deux minutes plus tard entre deux blast-beats. Epic.
En définitive, la découverte de ce groupe, une agréable surprise.