On vante la voix de l'Iguane depuis tant d'années qu'il se laisse régulièrement tenter par l'exercice de style consistant à poser celle-ci sur des mélodies plus "classiques" que les brûlots stoogiens ou le rock lourd de sa carrière solo : pour le meilleur (on n'oubliera pas le magnifique "In the Death Car" de Bregovic) et aussi pour le pire (le terriblement ennuyeux "Avenue B"). Il présente en 2012 cet "après" comme une réhabilitation destinée au public rock/rap de musiques basées sur la mélodie et l'émotion, et pas sur le "beat", et nous offre un panachage assez incestueux entre variétés françaises - de haut niveau certes : Gainsbourg, Salvador, Brassens, Piaf… - et américaine - l'incontournable "Everybody's Talking", Cole Porter, etc. - avec quelques anomalies au milieu (Yoko Ono, les Beatles), le tout chanté avec un mélange paradoxal de respect et de bouffonnerie, sans doute involontaire (les trémolos dans la voix, le français ânonné phonétiquement…). Il est donc facile de classer "après", avec sa pochette hideuse, au rang des accidents industriels, surtout si l'on attache à l'interprétation, parfois limite, limite, livrée par les musiciens autour d'Iggy ("La Vie en Rose", brrrr…)… Pourtant, envers et contre tous les canons du bon goût, "après" est un disque qui fonctionne bien, et qui dépasse au fil des écoutes le statut de bizarrerie pour se loger bien au chaud dans notre vie quotidienne : parce qu'il contient une paire de vraies réussites (le "Si tu n'existais pas" de Joe Dassin en ouverture…) et surtout parce qu'Iggy, se présentant à nous ainsi seul et désolé, maladroit et mal à l'aise, semble baisser la garde pour la première fois, et nous touche directement au cœur. Et après ? [Critique écrite en 2012]