Are You Satisfied?
7.4
Are You Satisfied?

Album de Soft Play (2015)

On prend quelques cordes le long d’un manche en bois, un kit percussif. Des bases minimalistes, mais on bouge, et on se bat. On prend ce qu’il y a à prendre des instruments. Un minimalisme technique, mais on se déchaîne. Le minimalisme n’a donc pas toujours droit à son trône. Slaves l’enchaîne et l’exploite, et surtout monte le son.


Second opus du duo du trou paumé du Kent, les Anglais Laurie Vincent et Issac Holman ont incontestablement du goût. Ainsi, en 2015, ils réalisent un album aux contours altruistes de prime abord : le titre lance un appel soucieux à chaque auditeur. Mais c’est sans connaître ces mauvais garçons se trémoussant sauvagement torse nu sur scène. L’album hurle avec une raillerie narquoise à la gueule du monde. Ce monde, tout comme les chiens de la pochette, semble inquiet, soumis, mais surtout impatient de voir le reste. De voir ce qu’il y a dans le ventre (tatoué) des bêtes rebelles.


L’impact est brutal. Les enceintes crachent (crashent ?), les basses grasses et les voix hurlantes. Le riff introduisant « The Hunter » nous invite à la fête et trahit l’intention d’un album raillant, ironique, moqueur. Les deux compères déploient une voix raide et unie, et nous font rapidement comprendre les revendications des Esclaves : avertis de la frontière préexistante, ils se différencient d’EUX, ils les différencient d’EUX (« The feeling is mutual, you don’t like what we do, because we say what we are thinking and that shocks and frightens you ») . Sans même invoquer de nominations, le discours est tout à fait compréhensible : résolument punk. Bariolé, aguerri, chahuteur, le duo s’en donne à cœur joie dans une musique qui ne connaît pas de frontières et aucune limite. On retrouvera l’album dans le genre du punk-rock, sciemment grossier et général, en accord avec ses acteurs. Mais on le retiendra pour sa sincérité, son urgence. Les courses effrénées entre les autorités et les personnages trainspottingiens pourraient en être la toile de fond dans une double analyse : Slaves met en bruyantes mélodies la ferveur d’un combat contre un monde qui ne leur convient pas, qu’ils veulent fuir dans la saturation massive dont sont dotés leurs moyens d’expression ; en parallèle, leurs rythmes sont le symbole d’une jeunesse décomplexée, moralement amorale, qui cultive un jardin de rêves fracassants.


Slaves use d’un minimalisme de telle sorte que le duo le transforme, le transcende puis le transporte de son garage à la gueule du monde entier. Le déferlement et l’énergie sont déjà en train de recueillir les esprits apeurés au point de rendez-vous incendie, tandis que le riff a déjà mis le feu aux poudres. Le punk est venu, a vu, et a vaincu.

Débruit
8
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le 7 juin 2018

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