C’est par une rythmique entêtante et surtout une guitare coupante que s’ouvre cette quatrième offrande studio des House of Love. Il y a comme du changement dans l’air chez les Britons et ce n’est pas trop tôt. Il faut bien rattraper les résultats commerciaux décevants d’un précédent album n’ayant pu trouver son public. Surtout au moment où la britpop commence à faire parler d’elle (Suede cartonne déjà depuis quelques mois avec son premier disque et Blur s’apprête à sortir son Modern Life Is Rubbish). Il serait ballot de ne pas en profiter alors que la bande à Guy Chadwick a préparé le terrain pour cette musique hautement identitaire et mélodique.


Leur leader résout le problème des guitaristes en limogeant l’un d’entre eux et en reléguant un autre aux chœurs. Désormais, c’est lui qui s’occupe des parties de guitare (sauf celles acoustiques, dont se charge le chanteur des High Llamas). Un changement drastique dévoilant la difficulté de Chadwick à remplacer la six cordes de Terry Bickers. Un sentiment malheureusement confirmé par la musique. Audience With the Mind impose une recette immuable depuis les débuts du groupe. Une recette atteignant, à la veille de l’ouragan britpop, ses limites. Car si on excepte cet introductif « Sweet Anatomy », décidément plus saignant qu’à l’accoutumée, les surprises sont rares.


La mainmise de Guyguy sur l’instrument star de son gang démontre que le despotisme créatif peut devenir néfaste quand le dictateur en question s’aventure dans un domaine dans lequel il a besoin de soutien. Non seulement le son planant de Babe Rainbow a pratiquement disparu (on ne l’entend que sur « Portrait in Atlanta »), on se retrouve également avec des plans alternant le très bon et le médiocre. Comme un inconvénient n’arrive jamais seul, la qualité du songwriting a chuté. Aucune chanson n’atteint des sommets, mais « Hollow » est un très bon single (rien que son introduction électronique apporte un bol d’air frais bienvenu). « Shining On » et « Erosion » sont autant mémorables. Le reste est parfois plaisant, souvent oubliable et guère original. Même quand le trio se lance dans une longue fresque planante (« Into the Tunnel »), son ambition inspire la dubitation chez l’auditeur. Le morceau est gâché par une fin à rallonge et sa mélodie n’est pas aussi forte que celles d’un passé encore récent.


On peut trouver plusieurs explications à l'échec de cette sortie. En cherchant à battre le fer tant qu’il est chaud, Guy Chadwick s’est trompé. Pensant (avec raison) qu’une trop longue absence avait plombé sa popularité dans une ère bougeant beaucoup, il décide de ne pas commettre la même erreur qu’avec Babe Rainbow. Son successeur est enregistré en à peine deux semaines et sort moins d’un an après. Regarder la tracklist est suffisant pour comprendre ce qui ne va pas : douze pistes pour plus de cinquante minutes de musique écrite en si peu de temps, c’est bien trop. Malgré la participation (et pour la première fois) de ses deux comparses au songwriting, c’est en forçant son rythme d’écriture que Guy a accouché de ses chansons les plus poussives.


Probablement lassé par cette situation de déni de la part du cerveau de la formation, le batteur Pete Evans manifesta son désir de se retirer du monde de la musique après leur retour de tournée. Suite à cela, Chadwick dut reconnaître sa défaite, il n’a pas su reconquérir la popularité qui était la sienne sans la présence de Bickers. Pourtant, il avait raison sur un point : il a trop profité de sa petite gloire au lieu de bosser dur pour continuer à surfer sur le succès. Il l’a seulement compris trop tard.


Si cette erreur de calcul est regrettable dans leur précédente œuvre studio qui était effectivement de qualité, elle fut un boomerang dans la figure pour celle-ci. Audience With the Mind peut en plus faire figure de leçon : la pression commerciale et la créativité ne font pas bon ménage. Car il est très possible que si le chanteur bellâtre avait conservé son rythme de composition et cherché un autre grand guitariste pour l’épauler, cet album aurait été réussi. Le split aurait même été évité.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 16 sept. 2017

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