Take a Mic est un artiste présent depuis de nombreuses années sur la scène rap.
Si énumérer tous ses projets (mixtapes ? albums ? EP ?) est inutile de par leur impact relativement faible, il convient néanmoins de reparler de son parcours depuis Evolution.
J'ai personnellement découvert le rappeur en 2015, avec Transparent ou J'évolue, le doute présent tel les Belges face aux Bleus. Le rappeur s'inscrivait dans tout l'héritage qu'apportait Joke, que ça soit au niveau des sonorités ou de toute l'esthétique autour, et surtout un attachement particulier à la sappes et à la mode de manière un peu globale.
Influence non revendiquée mais totalement évidente, le bonhomme fait son bout de chemin. Après évolution et une autre mixtape qui, même s'il n'y a pas d'impact, restent des projets relativement intéressants si l'on prend l'ensemble comme une carte de visite. L'héritage de Joke, l'envie insatiable de kicker et de rendre hommage au 94, une position - et j'insiste sur le mot position - toujours avant-gardiste.
En 2017, après de nombreux projets et des années de charbon, une signature en maison de disque est enfin décrochée.
Guette, on est loin du scénario d'base : grosse basse
En 2017 sortent donc deux EP, Bipolaire et Boire Noire.
Bipolaire, un 6 titres, est en réalité une très bonne idée : il permet de conserver toute l'énergie de Take a Mic, cette envie permanente de graille le micro, tout en le condensant pour ne pas le rendre redondant. A noter que sur le projet se trouve Blessure d'Amour, première ouverture "grand-public". Pas choquante pour autant, car suffisamment maitrisée pour ne pas sonner ridicule.
Sortira peu de temps après Boire Noire. Les dents se desserrent un peu, l'envie de faire plus de mélodies se ressent.
Tout est écrit : l'album sera surement plus ouvert, mais après tout, au vu des EPs et des freestyles Strict Minimum, pourquoi aurions-nous eu peur pour la suite ?
Une longueur d'avance sur A$AP Rocky. J'avais du Kris Van Assche dans
l'clip "Pour sortir".
Avant-Gardiste n'est ni un bon, ni un mauvais disque. Et c'est surement cela le pire. Le pire car dans une volonté logique de vendre un projet, le fait qu'un disque soit moyen implique deux choses : le projet ne sera pas assez bon pour qu'on en parle positivement, mais ne sera pas non plus assez mauvais pour trashtalker dessus.
Le disque est un marqueur, un témoin de la situation à la limite du problématique dans laquelle s'est engouffré Take a Mic :
- Il a signé chez Because. Il serait malhonnête de dire qu'une signature en maison de disque est responsable de tous les maux de ce disque, mais le disque est beaucoup trop calibré, à tel point que les ficelles en deviennent grossières, aussi voyantes que les meufs que fréquentent mes comparses sur Pigalle. TOUT est calculé. Les sons "zumba" se démultiplient, les sons sous autotune aussi. Bien sûr, tout n'est pas à jeter, et au milieu d'horribles sons comme Clientèle ou Tout est Mort qui ressemblent presque à du Black M, Strict Minimum, Mode Avion ou Wai Petit Frère restent intéressants.
- Il ne faut pas oublier que Take a Mic est un rappeur de freestyles. Depuis évolution - voire avant - on ne compte plus ses freestyles sur sa chaine Youtube ou sur les médias rap. Syndrome que j'appelerais communément le syndrome Alkpote. Se détacher de cette image est extrêmement compliqué. Il est totalement impossible de fournir 15 titres se résumant à du découpage d'instrus sans ennuyer l'auditeur, mais il ne faut pas oublier non plus que le coeur de la fanbase est là pour ces prouesses. Le curseur entre performance, technique et démarche artistique est alors très difficile à positionner.
De cela résulte un problème majeur : ce disque n'a rien d'avant-gardiste.
On ne peut, de toute évidence, qualifier d'avant-gardiste un album qui est calculé de A à Z, sur la musique comme sur l'image. On ne peut le qualifier d'avant-gardiste quand la moitié des sons présent dessus ressemblent au mieux à de l'inspiration, au pire à de la repompe mal calibrée.
On ne peut dire de ce disque qu'il est avant-gardiste alors que les morceaux les plus efficaces sont des morceaux deja entendus, deja sortis. Beaucoup de sons restent maitrisés, mais dans une démarche qui se veut et se prétend innovante, peut-on se contenter de ça ?
Avant-gardistes parce que les gens qui m'écoutent avaient vu juste.
Take a Mic a longtemps eu une position avant-gardiste. Si ce n'est plus un petit de Joke, on peut néanmoins penser que ce dernier à influencé de manière durable Take a Mic dans cette volonté - positive - de toujours proposer quelque chose de neuf.
Mais ici, tout n'est que posture.
Au delà du discours, que retient-on d'avant-gardiste dans ce disque, si ce n'est le titre ?
Rien.
Rien, car tout est prévisible.
Est-ce Because ? Est-ce Take a Mic ? La réponse n'est pas binaire, et il est à mon sens évident que les deux jouent un rôle dans cela.
Because veut vendre. Because décide donc de diluer le "son" Take a Mic, de l'aseptiser jusqu'à obtenir quelque chose de suffisamment vendeur.
Take a Mic veut vendre. Alors il décide d'écouter son label, mais aussi les tendances, et se résigne à sortir des sons peu inspirés pour espérer une rotation sur Skyrock ou Générations.
Paire de McQueen, j'suis dans la street.
Citer une marque de sappes d'un créateur non reconnu n'est pas avant-gardiste. Porter du Rick Owens en freestyle est peut-être avant-gardiste. Vouloir se taper avec des mecs sur twitter pour une critique sur des sappes est surement très (trop) avant-gardiste.
Mais, comme le diraient les cocaïnomanes en école de commerce :
Quid de la musique ?