Back in Black par Youri_Ligotmi
Six mois, six mois que je suis inscrit sur Senscritique, et que j'attends l'ouverture de la section Musique, exprès pour pouvoir faire la critique de cet album. Ce n'est pas pour rien que j'ai choisi cet album là pour ma première critique, car j'estime que c'est un moment important que de faire sa première critique. Comme pour la perte de virginité en fait, car il faut que ce moment se passe dans les meilleures conditions possibles. Passons à la critique en elle-même.
Le contexte de l'album : le 19 février 1980, Bon Scott, chanteur d'AC/DC, avec qui il avait signé ses plus grands méfaits de sa malheureusement courte carrière, meurt à Londres, etouffé dans son propre vomi après une soirée trop arrosée. Pour beaucoup, ce chanteur (et le groupe bien sûr) incarnait l'avenir même du rock, à une époque où les autres gros groupes étaient empêtrés dans les méandres douteux des drogues, de l'alcool et autres substances à effets psychotropes. Black Sabbath? Deux albums ratés en 76 et 78, le chanteur drogué incapable de tenir un discours cohérent lors des interviews. Deep Purple? Séparés depuis 76, minés par des querelles internes. Led Zeppelin? Le succès leur était monté à la tête, à ce point que leur batteur devait mourir 6 mois plus tard. Aerosmith? Quasi séparés, avec les deux guitaristes de barrés. Kiss? Ils venaient de sortir une de leurs pires bouses, Dynasty. Il y en aurait d'autres à citer, et trop peu de temps. Et voilà qu'advient la mort de Scott, alors qu'AC/DC venait de sortir un de ses chef-d'oeuvres, Highway To Hell. Et là on se dit : encore un groupe qui va se séparer, alors qu'ils étaient promis à un brillant avenir musical, déjà bien commencé, auteur de brulôts hard rock imparables tels que The Jack, T.N.T., Let There Be Rock, Riff Raff, j'en passe et des meilleurs.
Pendant quelques jours, les autres membres se demandent s'ils doivent continuer. Et en souvenir de Bon, ils décident de poursuivre l'aventure, car c'est ce que Bon aurait voulu. Ils entament alors des auditions, où des dizaines, voir des centaines de mec se présenteront. Dans le lot, des sosies physiques de Bon, et des sosies vocaux aussi. Mais Angus et Malcolm se souviennent, d'un mec dont Bon avait parlé, un chanteur d'un groupe de Newcastle, Geordie. Ce chanteur, c'est Brian Johnson. Après une audition où il chante Whole Lotta Rosie et Nutbush City Limits de Tina Turner, Brian est engagé. Le groupe s'isole alors aux Compass Point Studios, à Nassau aux Bahamas, en avril et mai, avec le producteur de Highway To Hell, Robert "Mutt" Lange. L'écriture des chansons avait déjà commencé avec Bon, et Brian ajustera et complètera les paroles déjà existantes, et en créera de nouvelles, tandis que Angus et Malcolm s'occupent de la musique. L'album sort le 25 juillet 1980, presque un an jour pour jour après Highway To Hell.
Cet album se veut un hommage à Bon. L'album commence sur un son de cloche, qui encore aujourd'hui fait frissoner les rockers. Et là, le riff arrive. Les guitares sont chaudes, le son est puissant, la basse ronfle de plaisir, et la batterie envoie du bois comme jamais auparavant. Hell's Bells parle de Bon, lui rend le meilleur hommage jamais rendu à un ami décédé. Cette chanson commence de la meilleure des manières un album, et reste aujourd'hui jouée à tous les concerts. Et après, les chansons s'enchaînent. Shoot To Thrill, qui parle bien sûr de cul, avec son riff bien gras, son interlude plus calme, tel celui avant la tempête. What Do You Do For Money Honey, et son refrain inoubliable. Given The Dog A Bone, hommage à Bon, avec ses choeurs magistraux. Let Me Put My Love Into You, ses paroles crues, son rythme langissant, un véritable bonheur.
Vient le moment de retourner le disque. Jusqu'ici, tout va bien l'album est génial, toutes les chansons se suivent à la perfection.
La face B commence. Quelques secondes de silence, avec seulement le son du charleston. Et le riff déboule. Et on se dit : "putain, CE RIFF EST PARFAIT!!!!" Le refrain gueulé à pleine voix fait chavirer, le solo est dantesque, les choeurs, comme toujours chez AC/DC, sont géniaux. Back In Black reste une des chansons préférées des fans, un hymne, et pas seulement pour le hard, mais pour la musique tout court. La suivante, You Shook Me All Night Long, son riff efficace, ses paroles salaces, restent gravés en mémoire. Have A Drink On Me, son riff bien blues, son refrain accrocheur. Et là arrive une chanson trop peu citée, quand on parle d'AC/DC, telle Riff Raff. C'est Shake A Leg, avec son intro bien violente, qui lorgne vers le heavy metal, une batterie au poil, une basse bien présente, un riff du tonnerre, sans doute un des meilleurs jamais trouvé par les Australiens, le solo est ultra rapide, extrèmement juste, qui font que Angus n'est pas seulement un guitariste plein de feeling, mais qu'il est également très technique. Et l'album se fini sur Rock And Roll Ain't Noise Pollution, la plus calme, la plus blues de l'album. L'hommage à Bon est également présent, notamment avec le vers "It'll always be with us, It's never gonna die, never gonna die"
L'album est donc fini. Trop tôt, après un peu plus de 40 minutes de musique. Et que retenir de cet album? Une interprétation magistale, avec un sens aigu du feeling, des riffs à couper le souffle, sans être copiés les uns sur les autres, des compos inventives, sans être répétitives, des choeurs qui viennent vraiment du coeur, des soli exécutés de main de maître, la rythmique qui assure parfaitement bien son boulot, et même plus. Bref un album parfait de bout en bout. Seuls petits bémols, la basse s'entend parfois trop peu, ce qui provient certainement de la place qu'occupent les guitares et la batterie, qui sont très puissantes ; et les soli qui sont un peu sous-mixés, mais ça reste rare.
En résumé, Back In Black est un album que toute personne qui se dit fan de rock doit avoir écouté dans sa vie. Cet album est un monument à lui tout seul, et ce n'est pas pour rien qu'il a été vendu à presque 50 millions d'exemplaires dans le monde. Et il reste le plus bel hommage qu'un groupe ait jamais rendu à un membre décédé. Et rien que pour la mémoire de Bon, écoutez-le.