Bad Timing, c'est l'histoire de l'aurore rosée qui caresse la béatitude des dimanche matins. C'est l'histoire des après-midis en demi-teinte où l'éclaircie aveuglante le dispute à la grisaille légère. C'est l'histoire du crépuscule où, une dernière fois, le soleil rougeoie à l'horizon avant de se fendre d'une ultime révérence. C'est l'histoire des insomnies occasionnelles où l'on reste à contempler la lune sans trop savoir pourquoi.
C'est l'histoire, en somme, du calme, l'histoire de la plénitude acoustique véhiculée par la guitare habitée de Jim O'Rourke. Le retour du bonhomme à l'ambiant débranché est magistral. Nous est donné ici une véritable leçon de retenue où nos tympans impuissants ne peuvent que rester là à se laisser bercer pendant trois quarts d'heure satinés où O'Rourke semble repousser petit à petit les limites apparentes de la guitare nue. Sur le métier à tisser de son instrument, il met en place ambiance sur ambiance devant nos oreilles engourdies ; tantôt délicates et charmeuses, tantôt angoissées, parfois carrément enjouées et bon enfant. En périphérie de ce merveilleux tissage cotonneux vont et viennent d'autres couleurs de la palette de l'artiste ; un piano discret, une batterie subtile, un violoncelle grave, des cuivres raffinés... Des arrangements amenés tout en douceur, d'une justesse implacable.
S'étalant sur quatre pistes de dix minutes ou plus, le tissage de Bad Timing préfigure les pièces futures de Jim O'Rourke. Sur le bien nommé Eurêka, il structurera ses mélodies acoustiques et les couplera à une immédiateté pop du meilleur goût en posant sa petite voix de nerd sur ses compositions. L'éclectisme de l'homme fera date sur ses prochains travaux, mais en attendant demeure cet album-ci ; une pièce rayonnante de calme et de recueillement qui contient néanmoins ses rebondissements (cf: le dernier tiers de "Happy Trail"). En bref, un album de transition, de réflexion, de remise en cause qui demeure un exemple de maîtrise.
Chronique provenant de XSilence