C'est assurément le premier disque français important de cette année. Florent Marchet, chanteur pop branché, chouchou de la critique, encore un peu méconnu du public, propose un album franchement original, tant dans la forme que dans le fond et, je le répéterai sans doute encore, totalement emballant !
"Bambi Galaxy" est un disque concept (article dans l'air du temps puisque Vincent Delerm avec ses "amants parallèles" voici quelques mois proposait le sien autour de l'histoire d'amour d'un couple). Comme d'habitude, l'album ne contient aucune chanson sirupeuse ou romantique, pas de love story, si amour il y a, ça pourrait rimer avec... rien du tout, car ici c'est associé aux cloportes ( dans "Reste avec moi") ou voisine avec vortex (dans "Que font les anges"). Ca donne déjà une petite idée de la tonalité générale de l'oeuvre qui aura du mal à se glisser dans l'univers ringard des variétés de TF1. Le concept est plutôt étonnant dans le monde très formaté de la chanson française puisque les douze chansons racontent la prise de conscience d'un homme qui habite sur une planète Terre qui se déglingue. Il va errer, éperdu, à la recherche d'une échappatoire, croisera les substances illicites ( Que font les anges), s'essaiera à la liberté sexuelle ( Héliopolis), testera une secte (Space opéra) pour finir par s'embarquer dans une navette spatiale (Apollo 21) en partance pour l'infini... Et ce n'est pas parce que cela raconte une histoire que cela ressemble à une comédie musicale, le projet, je pense, est d'une autre ampleur : créer une ambiance science fiction, musiques et paroles intimement liées et inspirées d'éléments aussi divers que les écrits de scientifiques reconnus et de musiciens contemporains. Dans la dépêche AFP largement diffusée par la presse en ligne, on nous parle de Stephen Hawking ou de Brian Greene pour la science et de la musique atonale ou minimaliste de Ligeti et de Terry Riley. C'est plus rassurant (?) que d'évoquer Michel Houellebecq ( et la très belle chanson qui clôt l'album "Ma particule élémentaire") et plus chic que Jean Michel Jarre auquel on pourrait aussi penser, ayant lui aussi exploré les immensités sidérales avec sa soupe planante.
Rassurez-vous, malgré toutes ses influences très intimidantes les compositions restent toutes très pops, finement travaillées, et magnifiquement enveloppantes voire même dansantes (bon d'accord une ou deux, pas plus). C'est à la fois un catalogue jubilatoire de tous les sons que l'on associe à l'espace, aux fusées, au futur, mixés avec d'autres univers, selon le thème, musique indienne, choeurs ( Houuu, houuu, houuu) et tonalités actuelles. Pour moi c'est totalement réussi.
Qui dit histoire, dit textes et ils sont au diapason de la musique, inspirés, bien écrits et surtout pas consensuels pour deux sous (mais ça c'est une habitude chez Florent Marchet qui est le contraire du chanteur charmant, aimant caresser à rebrousse poil). Je pense même que certaines paroles risquent de faire grincer quelques dents. Déjà, les premières interviews dans la presse magazine essaient de désamorcer quelques évocations pour le moins étranges. Ainsi, le tube en puissance "Héliopolis", morceau dansant qui évoque parfois Indochine ( oui, j'ose!) , ne le sera jamais car il ne pourra pas passer sur la bande FM. C'est une ode au naturisme et à la liberté sexuelle ( " Oh vivre nu, j'ai peur qu'on m'embrasse, oh dévêtu, l'amour me dépasse" dit le refrain entêtant) qui, sortie de son contexte, est bien trop clairement évocatrice pour notre époque de plus en plus frileuse. Et que dire de "Space Opéra" autre chanson qui pourrait prétendre au succès ?
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