Cogito Ergo Ludere

    Déjà, il y a la voix. La voix de Jimi qui est encore plus cassée que d’hab. Il a dû arriver sur scène après un énième concert, au bout de la nuit, monter, brancher son matos…le reste c’est ça. Pourquoi j’ai mis 10 au fait ? Par moments on entend partir le son… Conditions d’enregistrements ? A la fin du morceau, on entend applaudir. C’est du live ? Merde ! Sur plein d’albums de studio, je n’entends pas les gars jouer aussi bien (!)

 Who Knows. Du rock mêlé à du Rythm&blues. Il n’y avait que Jimi pour composer un truc pareil. Puissant et rageur, le riff. Et on entend un gars qui lui donne la réplique dans le fond. (En fait c’est Buddy Miles, qui fait à la fois batteur et chanteur). Le reste, c’est ça…

  Evidemment, on va encore parler des bombes qui tombent sur le Vietnam, des villages recouverts de Napalm. Se sera la déduction-réduction la plus facile, accessible, vu le titre et le contexte, sans compter les TAK TAK TAK    TAK TAK, ponctués par la caisse claire, qui ne fait rien pour apaiser les débats. MACHINE GUN.      TAK TAK TAK    TAK TAK        Hymne absolu anti guerre, composé par un ancien para. Je l’ai pris en pleine poire, encore une fois ce morceau, comme au premier jour. Je mets 10, parce que je sens Jimi en pleine forme, et libre de développer des solos à rallonge, comme nulle part ailleurs. Des longs solos martiens. Machine Gun fait 12 minutes 33...et on en redemande.

   Avec à la basse de Billy Cox, imperturbable, et régulier comme un métronome. Le parfait petit soldat qui va tenir le rythme, pendant que l’autre va décoller dans les hauteurs, et aller où on ne peut pas aller. Le groove terrible de Them Changes ; et le public s’invite à la fête. Album festif, sans cesser d’être exigeant musicalement. Faîtes du bruit, d’accord, mais faîtes le bien. Et ce n’est pas l’intro titanesque de Power Of Love, qui va me faire dire le contraire. Jamais un guitariste électrique n’aura su donner aux pédales d’effets (Fuzz, wah, etc) des raisons d’exister dignes de ce nom. Avec lui, une distorsion sert à enrichir le son, développer une mélodie autrement, pas à faire du bruit, pas que... Rock à mort, avec du blues dedans. Rythmiquement ? C’est beaucoup plus riche et compliqué, que ce qu’on entend habituellement sur la planète pop. Des développements surprenants de science, dans de la pop, genre mineur, qui connaît peu de génies, contrairement à ce que j’entends souvent. Lui, c'est comme si tout était écrit, et déjà improvisé dans sa tête ( !) D’ailleurs c’est après l’avoir entendu qu’un certain Bob Marley a changé de vocation. Avant il voulait devenir le meilleur guitariste de la planète. Après avoir entendu ça…il a décidé de changer de vocation, avec le succès que l’on sait. T’es un génie, Bob!

    Je mets 10, parce que cet album n’arrête pas de me réserver des surprises. Ça doit être l’un des plus anciens CD de ma collection, pourtant je le redécouvre à chaque écoute. Exemple : Samedi passé, (il y a 6 ans), j’avais mis le disque, pour le plaisir. Un ami qui passait à la maison a entendu ça…et lui qui n’est pas familier du bonhomme, et de sa musique, avait dit avec l’honnêteté de celui qui découvre : « On entend l’Europe, on entend l’inde, on entend l’Amérique. » J’avais pas pensé à ça, dis donc !

   Je mets 10 parce qu’il m’a piégé, Jimi. Cette fois-ci j’ai écouté avec mon cerveau fermé exprès, sur de trouver la faille. La dernière fois, je me suis fait avoir, j’ai plané comme de pas normal. Je planais trop pour que ça soit honnête. Cette fois-ci, je me contrôle, je veux chercher l’erreur, (pauv’ con). Tout ce que j’ai gagné, c’est une vision autre. J’ai vu un gars qui dessine des figures géométriques en 3D, avec un sourire narquois de gamin, et un crayon en forme de stratocaster tenu à bout de bras. Des lignes fractales infinitésimales, du pas normal tout ça. Du rêve...Message to Love. Pop/Rock agressif dans le bon sens, le vrai sens. Dans le sens majeur. Aucun cinéma. On ne joue pas à la marelle ici. Et j’adore entendre le public taper des mains comme ça, c’est encore plus beau. Et comme si ça ne suffisait pas, le gars est aussi compositeur, et rythmiquement c’est toujours intraitable, borderline, mais jamais pris en défaut. We Gotta Live Together. Hear My Train…surpuissant.Le blues, mais d’ailleurs, à la source de la fée électrique qui explose….Hey, man !

  C’est le feu mêlé à la discorde. Les meilleurs albums sont pleins de surprises. L’osmose est totale; pourtant en coulisses, ce n’était pas le grand amour entre Hendrix et Cox. Ils ne pouvaient pas se blairer. Un peu comme l’équipe d’Allemagne de la grande époque. Ils se bagarraient tout le temps dans les vestiaires, mais une fois sur le terrain, on oublie tout, place au jeu. C’est ça. Le jeu. Plus rien d’autre que le jeu. Foxy Lady crache les flammes de l’enfer…un accord suffisait. Un fameux accord. Mille fois torturé, car pour tout bon improvisateur, un morceau n’est jamais parfait ou terminé, et chaque version est meilleure que la précédente, c’est une question de challenge, intense, intime, substance…
STOP.
Un feulement électrique, et la bête se calme. A la prochaine Foxy. Je vais te visiter un de ces jours, sale nana ! Aaaargh !.....STOP. Quoi ? C’est déjà finit ?

  J’étais à NY, je suis à NY. Dec 1969/70. Une sacrée année qui se prépare. J’étais à Filmore East. C’est la nuit du nouvel an. J’ai pris ma claque, dans ma machine à remonter l’espace temps. STOP.