Neil Young & Crazy Horse prennent la température de notre monde avec cette délicatesse enchanteresse qui les caractérise par à-coups. Lorsque l'orage ne gronde pas et que la Terre arrête de trembler, c'est dans leur versant le plus doux que le message est davantage intelligible. They Might Be Lost est ainsi un chef d'oeuvre de clarté et de poésie folk qui aurait pu figurer sur After The Gold Rush et Harvest.
Uncle Neil signe un retour contrôlé et ouvertement sous influences sonores piochant dans un répertoire aussi énervé que pachydermique, on pense en effet souvent à Americana, Psychedelic Pill, au folk épuré de Comes A Time ou encore au cri de guerre Monsanto Years, les vieux copains trouvent une énergie nouvelle en enregistrant dans un lieu loin du bruit du monde. L'introduction renvoie inévitablement à l'accordéon période Harvest Moon tandis qu'Heading West prend tout le monde par surprise en allant décharger les décibels pour narrer les "good old days".
Le plus touchant avec Barn n'est pas en soit son originalité, mais sa dévotion totale au médium rock. Cinquante ans après, les mêmes types sont encore là, à enregistrer ce qu'ils veulent, comme ça leur chante, filmés avec toujours si peu de talent par la muse du leader. Sampedro, probablement le seul guitariste rock à jouer constamment de profile, semble définitivement écarté du groupe, remplacé par le fidèle compère Nils Lofgren qui troque ses acrobaties pour un jeu tout en accompagnement discret. Billy Talbot, qu'on croirait vieux de cent vingt balais, démontre qu'il manie encore bien le manche par ses plages graves et atmosphériques.
Si l'on peut trouver certains morceaux plus convenus (Shape Of You ou encore Tumblin' Thru The Years malgré la voix presque candide du Loner), le groupe réussit à atteindre la grâce avec Welcome Back, qui met toute la planète rock d'accord depuis quelques jours : Crazy Horse, malgré une technique qui n'a jamais été la plus brillante de la planète, réussit l'exploit, par une synergie venue d'ailleurs, à nous transporter où ils veulent. Pièce maitresse de Barn et sûrement le plus grand titre de Neil Young depuis le Ramada Inn de Psychedelic Pill. Cet immense voyage cinématographique laisse place à une conclusion aussi belle, touchante que naïve : les gars, où que vous soyez, qui que vous soyez, n'oubliez pas d'aimer.